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MO                         DON JUAN,
 a demi, et ne laisserait intactes que les figures obscènes.
    Il fallait ajouter a ce nouveau type le prestige d'un peu de
philosophie, et l'Allemagne, trop féconde en systèmes, s'est
chargée d'en créer un pour lui. Au sortir d'une représenta-
tion du Don Giovanni de Mozart, Hoffmann, ce conteur
étrange et parfois immoral, si original et si puissant dans
ses bizarres conceptions, a évoqué l'ombre de Don Juan,
et appris d'elle son secret. Loin d'ici ceux qui soupçonnent
que l'immoralité de Don Juan n'était que l'effet d'une nature
corrompue ; elle est l'indice éclatant de l'élévation de ses
pensées, de la noblesse de son cœur. L'imagination toute
possédée d'un idéal impossible, Don Juan, plein de foi et
d'espoir, le cherche dans toutes les créatures qui s'offrent
à son amour ; chaque fois qu'une passion nouvelle fait bat-
tre son cœur, il croit naïvement l'avoir trouvé ; déçu, il pour-
suit sa route, foulant innocemment mille victimes sous ses
pas, plus à plaindre que celles qui meurent pour lui, en un
mot véritable martyr de cet amour infini qu'il ne pourra
jamais satisfaire parce qu'il l'a trop noblement conçu. Je ne
fais que traduire; au reste un meilleur traducteur s'est avant
moi chargé de ce soin. Laissons, dit Alfred de Musset, lais
sons bien loin le Don Juan des siècles passés :
   Il en est un plus grand, plus beau, plus poétique,
   Que personne n'a fait, que Mozart a rêvé,
   Qu'Hoffmann a vu passer, au son de sa musique
   Admirable portrait qu'il n'a point achevé
   Oui, Don Juan, le voilà ce nom que tout répète,
   Ce nom mystérieux que tout l'univers prend,
   Dont chacun vient parler, et que nul ne comprend,
   Si vaste et si puissant, qu'il n est pas de poète
   Qui ne l'ait soulevé dans son cœur et sa tête,
   Et pour l'avoir tenté ne soit resté plus grand
  Oh! qui me jettera sur ton coursier rapide !'
  Oh ! qui me prêtera le manteau voyageur ,
  Pour te suivre en pleurant, candide corrupteur!
  Qui me déroulera cette liste homicide,
  Cette liste d'amour, si remplie, et si vide ,
  Et que ta main peuplait des oublis de ton cœur.
  Trois mille noms charmants, trois mille noms de femme !
  Pas un qu'avec des pleurs tu n'aies balbutié.
  Et ce foyer d'amour, qui dévorait ton âme,
  Qui, lorsque tu mourus, de tes veines de flamme,