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126                    L1TTÉRATU1Uà MÉDICALE.
   Des obstacles de plus d'un genre se dressent ici devant
un traducteur : il est tenu de conserver a l'original sa figure
historique ; et, quoique les théories de l'auteur paraissent
souvent bien éloignées de nos idées actuelles, il importe de
n'en point altérer la peinture ; il faut surtout se garder,
comme on l'a dit avec raison « d'habiller Galien à la fran-
çaise et de le rendre méconnaissable. « Je pense qu'il faut
se résigner a accepter les anciens tels qu'ils sont, et cher-
cher dans leurs ouvrages, sous cette dépouille qui paraît
iuanimée, ce qu'il y a de vrai et de vivant (RAVEL , de Ca-
vaillon, Thèses de Paris, 1849; Principes thérapeut. de Ga-
lien). » Mais ce n'est pas tout : pour l'intelligence des livres
anciens, la condition première est de bien connaître les cho-
ses afin de bien entendre les mots ; aussi, pour un livre
scientifique ou technique, on ne peut attendre une bonne
traduction que d'un homme du métier. Encore est-ce pour
lui un problème ardu que de déterminer le sens réel de cha-
que terme dans une science qui s'écarle sur tant de points
de l'état de nos connaissances, et pour des théories depuis
longtemps tombées en désuétude. 11 est toujours difficile, et
quelquefois presque impossible d'identifier un fait ancien avec
un fait moderne, et de préciser les rapports entre les deux
sciences, l'antique et la nouvelle, « Savoir nettement ce qui
est, dit M. Littré, afin de comprendre ce qui fut, et récipro-
quement comprendre nettement ce qui fut, afin de savoir
saisir l'enchaînement et la formation successive de ce qui
est, tel est ici l'office du traducteur. »
   Voilà les difficultés (6) a vaincre ; voyons maintenant quel
   (6) Nous devons aussi signaler les difficultés qui dépendent de l'altéra-
tion du texte grec : « A la Renaissance, l'imprimerie, prenant les ma-
nuscrits tels qu'ils étaient, les reproduisit avec leurs imperfections (omis-
sions ; phrases sautées ; mots mis les uns pour les autres, etc.). Mais tout
aussitôt les crudits s'évertuèrent à ôter la rouille accumulée sur ces pré-
cieux monuments. On collationna les manuscrits , on rassembla les le-
çons qu'ils offraient, on fit converger, pour la restauration des passages
altérés, les lumières que fournissait l'étude combinée de toute l'antiquité;
on employa les sagaces ressources de la conjecture éclairée ; et de la sorte,
on est parvenu, d'une façon véritablement admirable en quelques cas, à
corriger avec précision et sûreté des textes singulièrement obscurcis , et à
rendre à la pensée des vieux auteurs sa clarté, et à leur expression son
éclat ou sa grâce. Mais Galien n'eut pas cette bonne fortune : ceux à qui
cette tâche semblait naturellement dévolue, les médecins, se détournèrent
vers l'étude de la nature vivante et laissèrent sommeiller leur histoire ; ils
savaient les choses, mais ne savaient pas la langue. Les crudits qui sa-
vaient la langue , ne savaient pas les choses et n'avaient aucun désir d'à-