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DES CLASSES RICHES. W
âmes par les chants d'une poésie inspirée ; l'histoire est lÃ
pour démontrer que dans toutes les directions de l'esprit hu-
main, on trouve des hommes favorisés par la fortune et qui
ont produit de grandes œuvres sans autre mobile que l'a-
mour de la vérité, l'enthousiasme des grandes choses, ou la
passion de la gloire. J'en pourrais citer un grand nombre ;
je me bornerai à nommer quelques-uns des plus célèbres.
Le poète le plus illustre qu'ait eu l'Ilalie dans les temps
rapprochés de nous, le comte Alfieri, appartenait a l'aristo-
cratie par sa naissance. Sa vie fut agitée des passions les plus
contraires ; mais ses œuvres démontrent l'ardeur du travail
aussi bien que la supériorité du génie. Avec cette ardeur
qu'il a nommée lui-même, une rage d'étude, il répara, dans
l'âge mûr, l'insuffisance de son éducation classique, dévora
en quelques années toutes les difficultés de la langue ita-
lienne et de la langue latine, et du milieu de ses imitations
et de ses inspirations personnelles il fit sortir un théâtre.
A quarante-huit ans, dit M. Villemain, il s'était épris d'une
nouvelle ardeur pour une nouvelle étude : c'était le grec; et
de même qu'il avait fait des tragédies parce que, suivant son
expression, il l'avait voulu longtemps, il l'avait voulu forte-
ment, ainsi il voulut savoir le grec, et il le sut.
Parmi les Français illustres et à qui leur position eût
permis des loisirs, les noms de Montaigne, de Buffon, et de
Lavoisier, se présentent naturellement a la pensée. Mon-
taigne s'éleva "a la première magistrature de Bordeaux par
sa fortune aussi bien que par ses talents ; sa vaste érudition
et sa profonde connaissance de l'antiquité prouvent assez
qu'il avait conformé sa vie aux belles pensées que renferment
ses deux chapitres sur foisiveté et contre la fainéantise.
Buffon, possesseur du château et de la terre de Mont-
bard , vécut quatre - vingt - un ans , en consacra , dit
M. Flourens, plus de la moitié a ses grands travaux, et
à la fin de sa carrière, put dire avec une juste fierté : qu'il
avait passé cinquante ans à son bureau. Enfin , Lavoisier,
fut assez riche pour être un des douze fermiers-géné-
raux de la France, et il eut assez de génie et fut assez
laborieux pour avoir achevé une réforme complète dans les
principes et le langage de la chimie, à l'époque où sa car-
rière fut prématurément interrompue par une mort qui res-
tera inscrite sur l'une des pages les plus douloureuses de
notre histoire.
Voilà , certes, de nobles et encourageants exemples. Ils