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DES CLASSES RICHES. 95 allez entendre : c'est l'enseignement moral qui ressort de l'une et de l'autre de ces -compositions. Que viens-je essayer, en effet? Mettre en garde contre ses erreurs et ses entraînements une jeunesse qu'égare l'idée de sa naissance et de sa position. Et que vous dira, de son côté, le brillant et fidèle traducteur de YOEdipe roi? 11 vous peindra un royaume ravagé par la peste, et le mal heur de tous imposé comme l'expiation du crime d'un seul. Ce crime est celui d'un jeune homme fier du sang royal qui l'anime, croyant que devant le témoignage de sa force et le sentimentde sa supériorité, tout doit céder, l'évidence du droit, la majesté de l'âge, et qui, sous un prétexte frivole, frappe un vieillard inoffensif et le laisse étendu mort dans la poussière. Là , le crime est grand; ici, la faute est excusable. Mais la présomption en est la source commune, et nous pouvons souhaiter que les jeunes hommes auxquels ces lignes s'adres- sent n'aient pas à dire mélancoliquement, à leur tour, comme VOEdipe de Voltaire : J'étais jeune et superbe et nourri dans un rang Où l'on puise toujours l'orgueil avec le sang (1). Ne nous laissons donc point arrêter par la crainte de sor- tir du cercle des travaux de notre compagnie. La vérité em- prunte les voix les plus diverses, mais elle ne perd jamais son unité. 1. Et d'abord, qu'entendons-nous par travail et par oisiveté? Si le travail n'était que l'exercice de l'esprit ou du corps, il n'est pas d'homme doué d'une certaine activité naturelle que l'on ne pût considérer comme laborieux. On trouverait dans sa vie une succession non interrompue d'études et d'efforts. Et cependant, si ces études, si ces efforts se succèdent, même (1) Lekain disait ces vers d'une voix haute, en relevant la tête et avec le ton d'un homme encore orgueilleux de sa jeunesse et de sa beauté. Talma, avec un sentiment beaucoup plus juste de la situation d'OEdipe, qui, à l'horrible confidence qu'il vient de recevoir de Jocaste , répond par une confidence peut-être plus horrible encore , et qui ne se rappelle qu'avec effroi le combat dans lequel sa jeunesse et sa fierté l'ont entrainé, Talma, dis-je, prononçait les vers que j'ai cités la tète baissée, d'une voix faible et d'un ton qui indiquait un amer regret de la fougue des passions du jeune âge. Il faut admettre l'interprétation de Talma et dire comme lui j'étais jeune et superbe pour comprendre h sens de cette citation.