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DE L'OISIVETÉ" DES CLASSES RICHES. 93 les mêmes mains, et assure ainsi une répartition moins iné- gale, et, par suite, plus juste des biens dont la Providence a gratifiés le pays; de l'autre, les loisirs favorisent le culte des arts, laissent à l'esprit la liberté de la méditation, per- mettent à la famille les douceurs de l'intimité, et donnent le temps nécessaire aux relations sociales : si bien que, de l'inaction des classes riches résulteraient l'accroissement du bien-être général, la pureté des mœurs, et les charmes d'une société polie. Cependant, des moralistes plus sévères n'adoptent ni ces théories ni ces jugements ; pour eux la loi du travail est une loi générale qui est imposée aux riches comme aux pauvres ; la forme sous laquelle s'applique cette loi peut varier suivant la naissance et l'éducation, mais l'obligation d'y obéir est également impérieuse pour tous. Ils soutien- nent que dans l'intérêt de la société les emplois doivent être confiés à ceux qui les remplissent le mieux, et non pas h ceux qui en ont le plus besoin ; que le travail pro- ductif ne dépouille personne, et que, s'il ajoute a la fortune des uns, il n'enlève rien a la fortune des autres. Enfin, loin de reconnaître qu'une vie élégante et oisive augmente les charmes de la société et l'intimité de la famille, ils y voient un encouragement a la frivolité et un péril pour les mœurs. De quel côté les esprits sages doivent-ils se ranger? L'oi- siveté des classes riches peut-elle passer inaperçue comme- un fait indifférent? doit-on la regarder comme utile? ou faut-il y voir, au contraire, une cause de démoralisation pour la jeunesse, de décadence pour les familles, et d'abais- sement pour le pays? Telles sont les questions que je me suis proposé d'examiner. Ainsi, comme on le voit, je ne reviens pas sur le sujet, tant de fois agité, du travail considéré dans ses rapports avec toutes les classes de la société ; je me place à un point de vue particulier trop négligé jusqu'à présent, mais dont l'exa- men est impérieusement réclamé par les tendances de notre époque. L'habitude où sont les jeunes gens aisés de se tenir a l'écart de toute participation active aux travaux qui peuvent servir et honorer le pays, est à mes yeux un fait très-grave. Je pense que cette habitude doit être l'objet d'une vive préoc- cupation et exciter tous les efforts qui peuvent y mettre un terme. On a beaucoup écrit depuis vingt ans sur la direction a donner aux études classiques. Les discussions qu'a soûle-