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308 LETTRES SUR LA SARDAIGNE. mes préparatifs de départ. Je vais donc quitter, à jamais peut-être, cette terre heureuse et cachée, ces montagnes géantes, ces forêts vierges, ces jardins embaumés. Je vais dire un éternel adieu à cette population hospitalière, à ces mÅ“urs simples et naïves, à ces costumes charmants et bi- zarres, comme ceux qui les portent, à ce petit monde enfin oublié au milieu de la mer, et dont l'obscurité poétique, qui l'enveloppe et la protège, a fait dire au poète des Feuilles d'automne : Quand vous verrais-je Espagne, Grèce qu'on connaît trop, Sardaigne qu'on ignore! Mais, avant de partir, cher ami, je veux essayer de vous communiquer les quelques notions historiques que j'ai pu recueillir sur la Sardaigne, ainsi que certaines remarques physiologiques ; elles corrigeront, peut-être, aux yeux d'un homme grave et positif comme vous, un bavadarge pauvre, incohérent, prétentieux. Un soir, qu'à ÃOsteria délia croce di Malta, je causais avec le vieux professeur de l'université deSassari, la conversa- tion tomba sur l'origine fabuleuse de la Sardaigne, et sur ses premières époques historiques. Heureux d'une occasion qui lui permettait de m'étaler sa science, « cette question, me dit-il, est encore à résoudre, adhuc sub judice lis est, (la citation, quelque peu connue, était nécessaire dans la bouche d'un savant ) , les opinions de mes confrères sont encore divisées. Les uns croient en trouver la solution, dans le nom de Sardo, fils d'Hercule, qui visita plusieurs îles de la Médilerrannée ; d'autres, dont j'ai l'honneur de faire partie, après avoir longtemps cherché cette étymologie, se sont arrêtés au mol grec : Sandaliotis, qui veut dire sandale, h cause de la forme de notre Aie, qui reproduit, à ce qu'il