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264               LETTRES SfR LA SARDA1GNE.
tête son voile de laine, elle sortit, et suivit le moine jusqu'à la
porte de l'église.
   Le jour baissait; de petits nuages, que faisaient étinceler
les clartés du couchant, pommelaient le ciel; l'air était tiède
et embaumé; sur la place, des groupes de danseuses faisaient
frissonner leurs jupes ondoyantes ; les laonedas nasillaient
au vent, et, plus loin, la voix des chanteurs ronflait comme
des tuyaux d'orgue. Anita s'arrêta quelques instants pour
contempler ce spectacle, l'espérance rentrait dans son cœur ;
puis elle fit le signe de la croix et s'enfonça sous les voûtes
de l'église.
    « Quelques fidèles, éparpillés çà et là, priaient avec fer-
veur. Anita, s'approchant alors du moine : Mon père, lui
dit-elle, mon père, voulez-vous entendre ma confession ? Le
moine ne laissa paraître ni émotion ni surprise, et vint s'as-
seoir dans la chapelle la plus obscure. Anila reprit courage...
et, se prosternant à ses pieds, elle lui dit : Pardonnez-moi, mon
père; car mon crime est bien grand. Mon cœur parjure s'est
laissé prendre aux séductions de la grandeur et des richesses;
l'absence m'a fait oubliercelui auquel j'avais donné mon amour
et ma vie ; j'ai trahi mes serments.... D'un bond le moine se
dressa sur ses pieds, son capuchon tomba sur ses épaules;
c'était Juancho, les yeux flamboyants, les lèvres tremblantes,
et, soudain, saisissant son poignard, il le plongea dans le
cœur d'Anita. La pauvre femme tomba le visage contre terre ;
puis, se relevant à moitié, elle se cramponnait aux mains du
meurtrier qu'elle inondait de baisers et de larmes. Enfin,
d'une voix éteinte :—Merci, lui dit-elle, Juancho ! Tu m'ai-
mes encore, je meurs heureuse.— Et, retombant à ses pieds,
elle expira ! !
  « Juancho se précipita sur le cadavre et le tint longtemps
embrassé, dans un désespoir morne et terrible. Et quand il
se releva, des larmes brûlantes ruisselaient le long de ses