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106 DU SENTIMENT POÉTIQUE correspond à une des lois de l'intelligence incréée ; enfin qu'il ne peut rien y avoir dans le monde sensible qui n'existe dans l'invi- sible , dans la pensée infinie , dans Dieu. Nous pouvons dire également de l'âme humaine , que toutes ses facultés , tous ses attributs correspondent, dans le rapport du fini à l'infini, aux divers attributs de la substance divine ; c'est énoncer en d'autres termes cette vérité de la Genèse : Dieu créa l'homme à son image. L'âme humaine et la nature étant formées sur le même type, offrant chacune le symbole du même être , sont nécessairement aussi symboliques l'une de l'autre. La même idée, la même loi de l'intelligence absolue qui a sa représentation extérieure et sensible dans la nature, a son idée , sa faculté correspondante dans l'âme humaine ; en outre, chaque pensée, chaque sen- timent de notre âme a son expression figurée dans un des phé- nomènes de l'univers. Il n'existe donc pas un fait dans le monde extérieur qui n'ait une double signification idéale , et comme expressif de ce qui est dans le cœur humain, et comme expressif de ce qui est en Dieu. L'âme humaine trouve dans la nature le tableau de ses propres idées, de sa propre vie , et l'image des idées et de la vie de Dieu. L'homme est un abrégé de la création , et la création elle-même dans son vaste langage est un abrégé de la parole divine. Il y a donc rapport de parenté , de sympathie , de ressemblance entre l'humanité et l'ensemble de l'univers ; ils sont comme un frère et une sœur en qui coule le même sang ; ce sang, c'est la vie universelle, c'est la substance de l'Être ab- solu. Ainsi le sentiment esthétique de la nature a pour base princi- pale la notion nécessaire et spontanée , des rapports de la forme sensible avec les idées pures , cette croyance que tous les faits de l'univers physique sont symboliques des divers attributs de la substance divine. Mais ce n'est pas là tout le sentiment de la na- ture ; il s'adresse encore à un autre ordre de rapports , de faits symboliques moins vastes , mais plus intéressants peut-être pour le poète , car ils touchent de plus près son cœur ; ces faits sont ceux qui nous présentent dans le monde extérieur la figure