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84                     VOYAGE EN ICARIB.

monde. Ne réservez pas toutes vos perfections pour le monde
imaginaire que vous n'habitez pas. Prenez donc en pitié le
monde très-réel et très-imparfait sans doute , que vous ha-
bitez , vous, votre femme et vos enfants ! Si vous avez la
main pleine de tels bienfaits , ouvrez-la donc , vous le devez,
et vous vous créerez ainsi des disciples et des admirateurs !
Qui refuserait de croire alors à un tel homme ? Qui se déro-
berait a votre lumière ? Qui résisterait à ces enseignements
souverains appuyés sur de tels faits ? Ce vieux monde , pour
lequel vous n'avez que sarcasme et mépris, vous élèverait
des statues et des autels ! Et nous vous bénirions ! Et nous
chanterions tous en chœur Icar , le bon Icar , le grand
Icar ! Mais , s'il ne s'agit que d'une critique vide de nos
vieilles sociétés qui ont prospéré , après tout, dans leur im-
perfection ; si vous ne faites qu'exprimer un impuissant désir
d'invention , une vague pensée de perfection rêvée , sans mo-
yen certain et nouveau de l'atteindre, sans progrès réalisé et
démontré par pièces probantes , cessez de nous montrer ce
mirage menteur, ce leurre grossier, et laissez-lis votre roman
fantastique , qui est sans drame d'ailleurs , sans situation ,
sans caractères profondément tracés, sans observations prises
dans le cœur humain , sans éclat, sans style, sans rien de ce
qui fait l'intérêt et le succès ! Rien n'a corps, vie et réalité là-
dedans. Tout se dérobe à l'œil et sous la main. C'est le rêve
d'une ombre ; c'est Yombre du cocher, qui saisit l'ombre
d'une brosse pour frotter Yombre d'un carrosse.
   Il y a cependant en lcarie telle invention, à peu près ingé-
nieuse en apparence , et décrite quelquefois , dans l'ouvrage,
avec assez de détails pour faire croire , au premier coup
d'ceil , à la possibilité de l'application, C'est ainsi qu'en se
promenant dans Icara , le flâneur, arrivé sur les bords du
Tdir ou majestueux, — un fleuve auprès duquel le St-Lau-
rent serait un ruisseau, — trouve « un pont bizarre appelé le