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LETTRES SUK LA SAKOAIGNE. 251 richesse comparative de ces campagnes, empeslées autrefois par d'immenses paludes , qui donnèrent leur nom au pays. À chaque instant il s'arrêtait pour cueillir , au bord du che- min, quelques épis de froment, dont il me fallait compter les grains, ou quelque laitue sauvage, dont il me vantait la sa- veur en les croquant à belles dents. Un troupeau de brebis traversait-il la roule? il descendait aussitôt de cheval pour s'enquérir auprès du berger de la santé de ses bêtes et du nom de leur propriétaire, dont il m'énumêrait alors le nombre de troupeaux. Les troupeaux , en effet, de chaque commune appartiennent à deux ou trois propriétaires au plus, et, traités avec plus de soins, deviendraient une des richesses les plus productives de l'île. — Si les sons d'un cornet à bouquin venaient à retentir, ah ! disait-il , voilà un ânier qui appelle les molenti (les ânes qu'on appelle meuniers , parce que, la tête cachée dans le faccili , ils font tourner les meules à blé) ; el alors il fallait avec lui galoper dans la prairie, pour aller contempler ces bêtes lilliputiennes , mais pleines d'intelligence dans leur petit corps. Voyez donc ces porcs, qui ressemblent à des san- gliers , porlent la queue touffue , et ont un sabot au lieu d'ongles.... Oh ! les beaux chevaux ! vigoureux et rapides,,ce n'est qu'ici qu'on en voit de pareils ! Et ces bœufs ! leurs cornes ont bien trois pieds de haut.... Ah! les jolies femmes!... Décidément la Sardaigne est le premier pays du monde !! Toute contradiction eût été inutile,el je craignis de l'affliger, en attaquant son enthousiasme patriotique. Cependant, comme il me parlait du climat de la Sardaigne, de la sérénité inal- térable de ce ciel, où les jours pluvieux sont des exceptions, le tonnerre et l'orage des accidents , il est malheureux , osai- je lui dire, que l'intempérie, que des fièvres toutes locales, désolent un aussi beau pays! — Comment , la Sardaigne est un pays fiévreux ? mais, Monsieur , c'est une calomnie in-