page suivante »
LETTRES SUR LA SARDAIGNE. 273 sique, image visible, pourtant, de la divinité. Je déplore les doctrines de ces disciples d'une religion mal comprise, qui ont prêché le mépris de la forme, le jeûne et les macéra- tions exagérées, ont inventé la vertu de pruderie, les sou- tanes noires et huileuses, et les figures béates. Au matin, je fus agréablement surpris en voyant sortir de la cantonnière et venir à moi, un jeune homme que je n'y avait pas vu la veille , et qui m'adressa la parole en français. Ancien élève de l'École polytechnique, ingénieur à Bastia , il se rendait à Cagliari pour une mission quel- conque. C'était un beau et aimable garçon, et quand je vous le dis, Madame, vous me pouvez croire ; car je professe pour tout ce qui tienl à cette estimable école une aversion ré- fléchie. Je les trouve souverainement ridicules, ces bons jeunes gens, si contents d'abord de leur petite personne, couronnée de travers d'un chapeau à claque , et attachée à une épée innocente: parcourant les rues de Paris, avec une dignité réjouissante : fiers de leurs anciens, qui crurent avoir fait la révolution de Juillet, comme eux aussi sont per- suadés d'avoir sauvé la France en Février : et plus tard, im- périeux et capables, estimant la société trop heureuse, quand ils daignent s'en faire les mentors. Gomme ce charmant compatriote ne devait repartir que le soir, et que j'étais en- chanté de profiter de sa compagnie, nous résolûmes d'aller ensemble visiter les grottes situées à une petite heure de la cantonnière de Bonorve. Après avoir traversé des bois d'oliviers et de myrlhes clair- semés aux flancs des collines, nous entrâmes dans un ravin sauvage, comme on doit en rencontrer daus les montagnes de l'Atlas, ou, mieux encore, de la Judée. De grandes roches perpendiculaires s'alongeaient devant nous et sur nos (êtes, comme une double muraille, découpant leurs créneaux gi- gantesque sur l'azur incandescent du ciel. Une lumière écla- ts