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LETTRES SUR LA SAKDAIGNK. 271 heur, l'officier disparut et laissa la pauvre femme devenue mère d'un petit garçon, dans un dénument complet. Alors, pour échapper à la misère, elle entra au théâtre. La double royauté du talent et de la beauté lui firent avoir un succès prodigieux, et longtemps elle fut l'idole des dileMantis du Carlofelice de Gênes. Mais peu à peu sa voix s'affaiblit ; sa beauté souveraine s'altéra; et les Italiens, enthousiastes, mais ingrats et sans pitié pour leurs comédiens, comme leurs an- cêtres de Rome, ne voulurent plus entendre l'artiste qui les charmait autrefois. La maladie survint, et l'idole tombée, pauvre et délaissée, revint en Sardaigne avec son fils devenu jeune homme. Mais, ne voulant pas vivre à Sassari, qui au- trefois l'avait vue heureuse, elle se réfugia au village de Bonorve. Là , installée dans une chélive maison, elle reçut les voyageurs qu'elle nourrissait et logeait pour un modi- que salaire, taudis que son fils chassait dans les monta- gnes, ou dressait les chevaux sauvages pour les officiers de Sassari. Elle vivait ainsi oubliée, et celte vie monotone, mais paisible, se faisait peu à peu pour elle une vie heureuse. Lors- qu'un soir de l'automne dernière, qu'assise devant sa porte, elle attendait son chasseur absent depuis la veille, un coup de fusil retentit à ses côtés. Elle se lève, et aperçoit son fils qui accourait à elle, poursuivi par deux cavaliers : un second coup partit, et le pauvre jeune homme vint tomber sanglant aux pieds de sa mère. Il mourut, et, comme Antonia était un personnage sans importance, et que surtout elle était incapable de payer les frais de la justice, les juges mentionnèrent le crime, mais n'en recherchèrent ni la cause ni les auteurs. L'intérieur de la canlonnière était encombrée de voyageurs, de pionniers et de chiens, qui s'arrangeaient le mieux possible autour d'un grand feu, pour dormir le plus convenablement. Pour moi, malgré les instances de Madame Antonia, qui vou-