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2i)V LETTRES SUR LA SARDAIGNE. rendre ce service, ignorant complètement l'endroit, où était, située la maison d'Ànselmo , dont le nom même m'était i n - connu. Alors, sans ajouter la moindre interrogation, s'en- fonçanl dans les buissons du chemin , il disparut à mes yeux. Quand je me retrouvai seul, la frayeur me rendit mes forces, et je me mis à courir à toutes jambes du côté de Sanluri, n'osant tourner la tète ni à droite ni à gauche , sans môme m'apercevoir que la pluie tombait par torrents. Enfin , arrivé aux pieds de la dernière colline, vaincu par la fatigue et le froid , je m'arrêtai , le désespoir au cœur. Tout-à -coup , une clarté lulélaire, qui scintillait aux vitres d'une chaumière isolée , frappa mon regard ; je repris cou- rage , et je vins frapper à la porte, en réclamant l'hospitalité. La porte, d'abord, s'ouvrit avec timidité, puis toute grande devant la robe du capucin , et j'entrai. Autour d'un feu de genévrier, qui remplissait la chambre d'une lumière pétil- lante et se perdait dans le toit en odorante fumée ; avec une indolence d'attitude toute séduisante , une jeune fille était assise à côté de son père , grand vieillard à cheveux blancs , tandis qu'une servante accroupie dans la cendre préparait quelque modique souper. Ces deux jeunes filles, ce vieux père , et, de plus, un petit âne couché au pied de sa meule , composaient toute la population de la chaumière. La double chaleur du foyer, et du vin muscat de Quarlu , dans lequel je trempai quelques morceaux de ce pain mal et serré , d'une blancheur éblouissante , particulier à la Sar- daigne , réparèrent mes forces , et me rendirent la parole et la vie. Mon cher hôte, lui dis-je alors , connaissez-vous dans ce pays un homme, qui habite une chaumière isolée et qui s'appelle Anselmo ? assurément , mon révérend père , et très intimement encore; car c'est lui-même qui a le bonheur de vous parler en ce moment. — Ah ! vraiment ; eh bien ! je peux vous annoncer une visite pour ce soir peut-être ; car