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90 VOYAGE EN ICAKIE. temple les portraits — toujours en cire — du bon Icar, de la belle reine Cloramide (car Y Icarie, comme la France, avait été monarchique avant d'être républicaine), et de son pre- mier ministre, le méchant, l'infâme Lixdox, qui est resté maudit dans le souvenir des peuples, comme il appartient à un premier ministre. Quant à la musique, Mlle Corilla chante une mélodie du pays desMarvols, accompagnée d'une flûte et d'une guitare : Je ne ferais pas le voyage d'Icarie pour entendre cela. J'ai- merais presque autant la belle voix accompagnée d'une trompette marine de M. Turcaret. En ce qui concerne le théâtre, M. Cabet fait l'analyse d'un drame icarien, à la représentation duquel je ne pren- drais pas de stalle d'amphithéâtre. Mais toutefois, comme on ne paye rien pour entrer, on n'achète aucun droit à la porte, et personne, après tout, n'a à se plaindre : le spectacle vaut ce qu'il coûte (1). Du spectacle, où je serais peu curieux d'aller, passons aux journaux, que je serais peu tenté de lire. Pour expliquer son système, l'auteur engage une discus- sion sur la liberté de la presse telle qu'on l'entend chez les peuples vieillis et telle qu'il l'admet dans ses domaines. Les excès de la publicité en France et en Angleterre sont déplorés tout en les proclamant nécessaires contre les aristocraties et les royautés. Mais en Icarie, où tout est parfait, c'est autre chose ! Il n'y a là ni aristocratie à détruire, ni royauté à attaquer, depuis que la belle reine Cloramide n'existe plus qu'à l'état de figure en cire. Il n'y a donc plus qu'à museler et réfréner la presse. Voici la recette : (1) La salle de spectacle i'Icara contient quinze mille spectateurs. Il faut, pour que tout le monde entende, qu'elle soit construite dans des conditions d'acoustique que nous ne connaissons pas. M. Cabet devrait bien faire part de son secret à notre représentation nationale où on ne s'entend guères.