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842 CAILHAVA Etiquette reste en bas, Quand bêtise avec moi monte. J'enrage, de bonne foi, De voir, autour de la nappe. Des gens plus bêtes que moi. Ça m'étonne et ça m'attrape. Amis, quoique médecin, A vos santés je veux boire ! Il faudrait avoir connu de visu tous ces esprits fins, gau- lois, bons enfants, pour se faire une idée même légère des propos pétillants, gouailleurs, profondément artistes toujours qui s'échappaient de toutes ces lèvres joyeuses, des paroles bouffonnes ou charmantes qui se croisaient, des dialogues burlesques, insensés dans lesquels éclatait un si pur amour du grand et du beau ; des plaisanteries caustiques et mordantes qui effleuraient les épidermes sans jamais égratigner la peau. Genod et Fonville, en verve ce jour-là , étaient lancés dans une conversation en langage canut ; leurs amis riaient au grand large et Perrin lui-même, perdant sa gravité traditionnelle, ne pouvait retenir un sourire qui faisait épanouir son visage et, se reflétant dans son œil intelligent, perçait derrière ses lunettes d'or. Presque tous ces convives appartenaient d'ailleurs à une Société dite des Intelllligeiices, espèce de Caveau dont le règlement joyeux exigeait qu'à table chacun eût bon appétit et beaucoup d'esprit. Les chansons étaient d'obli- gation. Amédée Bonnet, le célèbre chirurgien, Victor de Laprade, le poète, Léopold de Ruolz, le statuaire, Des- jardins, l'architecte, y firent une courte apparition, mais