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296 TACITE vient ni où il va, et qui, pour échapper à l'anarchie des opinions, se précipite dans le scepticisme. Toutefois, Tacite ne se repose pas tellement dans cette neutralité philosophique qu'il ne sente parfois le désir de se rattacher à quelque chose de plus consolant : par exem- ple, quand, à l'occasion de certaines morts illustres, il mentionne l'immortalité de l'âme qui emporte, dit-il, avec elle la récompense de la vertu, et notamment, quand, sur la tombe d'Agricola, ce père si digne de ses regrets, il prononce ces belles paroles : « S'il est un asile pour les mânes de l'homme vertueux, si, comme le pensent les sages, les grandes âmes ne meurent point avec le corps qu'elles animaient, jouis, ô Agricola, du repos inaltéra- ble. » Le cœur se serre, en entendant cette aspiration d'une âme affamée de la vérité et qui la cherche dans l'erreur 1 Ah! il y avait tout près de lui une école qui aurait pu lui enseigner la vérité, c'était le christianisme qui com- mençait à remuer le monde! Là , non-seulement des lettrés et des patriciens, mais des artisans, d'humbles femmes, des esclaves même venaient apprendre des doctrines que Socrate et Platon avaient ignorées. Mais Tacite n'é- prouve aucune envie d'aller s'instruire à cette école. Au contraire, ceux qui la fréquentent n'éveillent en lui que le mépris le plus profond. Je ne connais point d'auteur païen qui parle aussi mal des chrétiens que Tacite. Ecoutons-le plutôt : Les chrétiens ne sontque des misérables abhorrés pour leurs infamies, per flagilia invisos, des ennemis du genre humain, odio generis humani convicti, dont l'exé- crable superstition, exitialis superstitio,néeen Judée, avait pénétré dans Rome, où tous les crimes, toutes les hor- reurs viennent se confondre, quo cuncta undique atrocia aut pudenda confluunt. Doit-on s'étonner que le grand historien ait déshonoré les juifs quand on le voit calomnier les chrétiens d'une manière si odieuse? Eh quoi! ces chrétiens, ne pouvait-il