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40                       THIBRRIAT

fond silence. Je déposai mes lèvres sur sa main, cette
main si laborieuse et si adroite où perlait la sueur de la
mort, je lui adressai quelques paroles queDieu seul enten-
dit, et je m'élançai vers la chambre de ma belle-mère pour
lui annoncer la sinistre nouvelle. Elle dormait d'un som-
meil profond et je fus obligé de l'appeler trois fois à
haute voix, pour la tirer de son sommeil. Elle m'entendit
enfin, et pendant qu'elle s'habillait, je fus prévenir une
pieuse voisine, puis je fis avertir ma femme qui bientôt
 vintnous rejoindre, et nous aida à l'ensevelir, à lui fermer
la bouche et les yeux, à rapprocher de son lit deux flam-
 beaux, le Christ, l'eau sainte et le buis bénit, et nous
murmurâmes à genoux les prières des morts.
   Peu après, le jour se leva. Je passai dans la chambre
voisine et j'ouvris la fenêtre pour respirer l'air pur et
dilater mon cœur oppressé. L'horizon était magnifique,
l'aurore, comme la veille, annonçait un beau jour à la
ville encore endormie ; tout était calme ; je regardai l'es-
 pace mais sans pouvoir pleurer. Tout à coup, au milieu
 du silence, une alouette, pauvre oiseau enfermé dans une
 cage, à la fenôtrs au-dessus de la mienne, commença son
 gazouillement sans fin. Ce chant semblait monter au ciel.
 Est-ce ainsi que les âmes, dégagées des misères de ce
 monde, s'élancent vers la lumière éternelle? Cher père,
 as-tu retrouvé là-haut les g-rands paysages, les belles
 montag-nes. les prés en fleurs que ton pinceau aimait tant
 à reproduire sur la terre? Les parcours-tu maintenant,
 comme au temps de ta jeunesse, en compagnie de ta bonne
 et chère épouse, Antoinette, notre mère bien-aimée?
 Voyez-vous de là-haut vos fils aux prises avec la vie?
 Souriez-vous à leurs cœurs attristés? Nous retrouverons-
 nous un jour?
    Telle fut la fin d'Augustin Thierriat. Ses collègues, ses