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30             UN CONFLIT D'HONORÉ D ' U R F É

très glorieux de servir les vengeances d'un gouverneur du
Bourbonnais.
   L'important était de surprendre Châteaumorand. Dans
sa plainte, Diane dit avec assez de vraisemblance que les
la Guiche avaient le dessein de soustraire et de détruire,
dans les archives du château, les titres qui prouvaient son
droit de justice sur Lalière. En tout cas, M. de Saint-Geran
et M. de Chitain n'ignoraient pas qu'Honoré d'Urfé était à
la Cour, et cette circonstance aurait dû les détourner de ce
qu'on pouvait regarder comme unelâcheté contre une femme.
   Du reste cette lâcheté ne réussit pas.
   Le soir du 7 novembre, une partie de la bande arriva
autour de Châteaumorand; mais comme il était grand'nuit,
elle trouva le château fermé. Il fallait donc user de ruse pour
entrer dans la place. Sept ou huit hommes à cheval se déta-
chèrent, et se présentèrent à la porte de la basse-cour, se
donnant pour M. de Glvry et M. de Banassat, parents de
Diane, et même essayant de contrefaire leur voix. Le con-
cierge faillit ouvrir. Cependant cette visite inopinée et tar-
dive parut suspecte. On monta sur le ravelin delà porte, et
on découvrit la fourbe. Tous ceux qui dans le château étaient
en état de porter une arme coururent à leurs épées et à leurs
arquebuses ; mais c'était bien inutile. Nos gaillards durent
se contenter de quelques gausseries : « Voilà de bons paysans
là-dedans, qui causent bien. Madame de Motte-Creuse
a-t-elle soupe ? Elle est au fruit ? Ah ! très bien. Dites-lui
que nous arrangerons si bien ses terres qu'elle ne sera plus
tantôt que.Madame de Place-Vide? » Ils se retirèrent dans
le fossé et sous le colombier; d'autres descendirent au jar-
din, abattirent la charpente d'un berceau, et en firent un
grand feu. Pour tuer le temps et faute de mieux, ils tiraient
des coups de pistolet aux fenêtres où ils voyaient de la
lumière.