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•476 UNE ARRESTATION EN DAUPHINÉ. les malles étaient faites, les litières préparées ; bref, nos Espagnols ne songeaient plus qu'à partir, et cela dès que les fêtes de Pâques seraient terminées. Aussi c'était plaisir de voir se regaillardir et reprendre à vue d'œil la figure de notre bon président, brave homme s'il en fut jamais, et qui mourut quelques années après du chagrin qu'il eut de voir Larray se loger avec son régiment dans notre ville, en dépit de tous nos privilèges. — Mon ami, disait-il à M. l'aide-major, qui dansait de grand cœur toutes les sarabandos désirées, c'est donc maintenant, sous quatre jours, que M. le duc va nous quitter? Ayez soin que sa cavalerie soit en bien bon état ; je crains toujours que ses litières n'aient pas été solidement raccommodées , et tout en disant cela, il prenait une prise dans sa petite tabatière d'or et ne lui disait plus , en lui donnant un re- vers de sa main comme il y a quelques jours : Bonne prise est celle qui fait éternuer ! méchant calembour, bien indigne de son savoir, et qu'il n'avait imaginée qu'en haine de la maudite prise que Son Eminence lui avait procurée.., J'ai maintes fois ouï dire : Les poètes sont semblables aux alcyons, qui chantent quand le dernier malheur va leur arriver ; mais je n'ai pas vu qu'ils différassent en cela des autres hommes , et que ceux-ci aient plus de pressen- timent d'un chagrin ou d'un sinistre. Oh ! s'il en était au- trement dans ce bas monde, M. le président n'eût pas été aussi joyeux cette matinée, car le soir , le soir même, il devait voir tout son beau projet et toutes ses mesures si bien combinées complètement renversés. En effet, Mme la duchesse, qui s'était promenée à cheval le matin même, se trouva mal tout d'un coup et tomba entre les bras de M. Le Clair, qui eut le déplaisir de lui faire res- pirer toutes les essences possibles , et celui bien plus grand de décommander par ses ordres tous ses préparatifs de voyage. Pendant qu'il en était à se lamenter avec le président, un autre accroc qu'ils ne prévoyaient ni l'un ni l'autre frappait à leur porte sous la forme d'un courriel1 de