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392 NOTICE S0R M. L'ABBÉ JOUVE.
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v Toutefois, M. l'abbé Jouve ne s'était encore fait connaître que
dans un cercle relativement 'restreint, et ses éminentes qualités
d'esprit et de cœur ne s'étaient guère manifestées que dans la
sphère de l'intimité. En vrai philosophe chrétien, il se préparait
à la vie publique, dans l'ombre et le silence, se faisant l'humble
disciple de la retraite et des livres avant de parler en maître Ã
son tour. Ses premiers écrits ne datent que de l'époque de sa
promotion au canonicat; il débuta dans la carrière des lettres
par une Notice sur la cathédrale de Valence, c'est la première
description de quelque étendue qui ait été publiée sur cet
' intéressant édifice. La mort de Mgr de la Tourrette, arrivée le
3 avril 1840, ayant rompu les dernières attaches qui le retenaient
dans les tracas de l'administration, il profita de sa liberté pour
se livrer à la prédication. Le jeune orateur parut avec succès
dans quelques grandes chaires de France: Ã Saint-Eustache
(Paris), où il fit ses premières armes ; à Lyon, à Genève, à Arles,
à Chalon-sur-Saône, à Àviguon, etc. Son zèle apostolique ne lui
permit point de négliger les humbles paroisses de campagne, où il
donna fréquemment des retraites et des missions. Jusqu'à la fin
de ses jours, M. l'abbé Jouve a cultivé la chaire, et il ne se passait
guère d'année qu'il ne fût retenu pour quelque station impor-
tante d'Avent ou de Carême (1). Il jouissait d'éminentes qualités
comme orateur : sa diction était simple et sans apprêt, coulante
comme une conversation, mais toujours soutenue et parfaitement
correcte, parfois chaleureuse et pleine de feu, et surtout, cons-
tamment animée d'un ton de conviction qui faisait pénétrer la
persuasion en même temps que l'accent de ses paroles dans l'âme
de son auditoire. C'était chez lui l'éloquence du cœur, le pectus
quod disertos facit, bien autrement persuasif que la froide phra-
séologie du rhéteur.
M. Jouve ne borna pas son rôle d'orateur chrétien à la chaire
sacrée : tous les grands intérêts moraux et religieux trouvaient
en lui un intrépide et zélé défenseur. Au congrès scientifique
(1) Il est annoncé comme devant prêcher lé jubilé à Apt, dans le
Mercure artésien au 7 mars 1858.