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                       FRANÇOIS LEPAGE.                    149

 d'un travail assidu et sérieux, lorsque, après avoir souhaité
 la fête à notre professeur et lui avoir offert un chevalet
 que je vois encore, je me trouvai, avec toute la bande
 émancipée, dans un des vastes omnibus qui nous menaient
dîner à Charbonnière ? C'était par une magnifique mati-
née du mois de mai. La joie des élèves était complète et
aussi bruyante, que possible, et, chose renversante, en
devais-je bien croire mes jeux ? Notre maître redouté,
celui que je ne pouvais regarder sans une crainte secrète,
lui-même, joyeux, gai, heureux, causant avec tous, provo-
quant les histoires et les chansons, et enfin, couronne-
ment inattendu, à la promenade dans le bois de l'Etoile,
me prenant par le bras, moi indigne, moi un des plus
nouveaux et des derniers, et m'avouant qu'il n'était point
trop mécontent de mon assiduité, de mon mérite et de
 mes progrès!
   A cette distinction, à cette faveur, je crus que le ciel
s'ouvrait. Je n'ai jamais oublié ma joie et mon enivre-
ment de cet instant, et, aujourd'hui, c'est avec ravisse-
ment que je m'en souviens encore. Ah! si les grands
savaient combien il est facile de rendre heureux les
petits ?
   Il m'est impossible d'affirmer que le lendemain le travail
ne se ressentit pas des joies de la veille , mais peu à peu
la discipline reprit le dessus, et, en revoyant le front sévère
du professeur, il me semblait que j'avais rêvé dîner joyeux,
gais propos, compliments flatteurs, et que la journée de
Charbonnière toute entière n'était qu'un jeu de mon ima-
gination.
   On comprend qu'un atelier aussi considérable,tenu avec
cette dignité et cette vigilance, ainsi que les leçons du
dehors, aient suffi à remplir les plus laborieuses années de
Lepage. Ses heures n'étaient pas à lui, mais au devoir, et