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70 APPROCHE, SI TU ES HARDI ! Mais il parla si bas que le valet ne put rien saisir de ses paroles. — Nous sommes bien fâchés que tu sois venu aussi tard au chantier, aujourd'hui ; tu aurais été content ni peu ni trop : Ce matin, au petit soleil, en dévalant le long de la terre, la fine rosée n'était pas levée, toutes les herbes per- laient, une bruine couvrait les champs ; nous avons vu dans le pré un cercle si bien tracé, mais un rond. Ah ! elle a dû danser plus de temps qu'il n'en faut pour aller d'ici au bourg de Renaison. Comme on aurait pu la surprendre ! — Ah ! camarades, je ne me fie guère à cette heure à toutes ces apparitions, j'ai plus peur d'attraper le serein que la fayolle. Et puis, vous m'en faites traîner de belles à mon bras pour en avoir ensuite des reproches. Je crois que j'irais bien cent ans dans les assemblées que je n'y rencontrerais pas Idéah ! Votre sorcière m'a trompé, je n'y ai plus de foi. — Bah ! mon pauvre Clément, nous voyons que tu es déjà un peu détourné de ton projet. A quoi te servait d'a- voir des idées en l'air, et que peux-tu sur les apparences et les sortilèges ? Mais à présent il faut en avoir le cœur net, il est donc prouvé que la fayolle est revenue dans le pré. — Oui, la nuit dernière, mais qui me répondra qu'elle y viendra la suivante ? Je veux bien essayer encore à con- dition que vous voudrez bien ne pas l'épier, cachés der- rière les rochers ; car un rien, un bruit, un soupir la ferait, s'envoler. Lorsque je l'aperçus, elle était environnée d'une lueur et elle chantait, en regardant de droite et de gauche, comme un ramier blanc, inguiet sur une branche. — Nous te promettons de nous tenir cois, il n'y a pas de danger qu'après notre travail, nous allions sommeiller à la belle étoile pour nous engourdir le corps. Clément fut tout le jour taciturne, et à la tombée de la nuit, il avisa de précaution derrière tous les rocs, les troncs, les buissons, où pouvaient se cacher des importuns. Quand