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LA DAME AUX BÊTES. 445 liers chargés de bouse et de crottin, alors que nous avions été lui rendre visite. La Dame aux bêles était fort riche, parlant très-bien ve- nue de tous malgré son entourage beuglant, miaulant, chantant,aboyant, etc. Cependant, cette manie lui valutsou- vent de petites aventures assez désagréables. Je suis désolé de n'en avoir appris qu'une partie, et je ne suis point assez égoïste que de garder pour moi seul celles venues à ma connaissance et que voici : Le pasteur de la paroisse dans laquelle la Dame aux bêles demeurait venait souvent dîner chez elle; c'était un homme grave, choqué des incongruités que se permettaient les animaux chéris de la patronne du lieu, mais les tolérant, d'a- bord en sa qualité d'homme d'église, puis un peu comme gourmet, car la cuisine était très-succulente et soignée chez l'opulente veuve. Or, un jour que la chatte Doxine, montée sur la table comme à son ordinaire , frottait et refrottait la soyeuse toison de son dos et de sa queue contre la figure du pasteur tout en lui disputant les morceaux de son assiette , la veuve, s'apercevant de l'humeur que de pareilles privau- tés donnaient au ministre, wuluty mettre un terme et s'écria : « Allons, Doxine, descendez de la table! » mais le pasteur, saisissant alors la bête par les quatre pattes et la fixant là où elle se trouvait, répondit aussitôt, avec une colère sourde et concentrée : « Madame, Doxine n'est point sur la table, « elle est bien dans mon assiette ; mais, si vous le désirez, je « vais la mettre dans un plat. » On conçoit l'embarras de la veuve, contrainte à gronder sa chatte Doxine; aussi, depuis ce jour, elle trouva les sermons du ministre moins édifiants, sa conversation moins aimable, et l'invita moins souvent à dîner. Un neveu de la veuve, son plus proche parent et son hé- ritier présomptif, était en môme temps l'un des jeunes gens