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362              LETTRES SUR I A SARDAIGNE.
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filles, de quinze à seize ans, cet âge charmant, trop dé-
précié chez nous, aujourd'hui que les femmes ont un peu re-
culé les limites des tendres erreurs, se promènent, en chan-
tant, d'une voix rauque et étrange, quelque vieilles romances
espagnoles ; et, de temps en temps, passe au galop, un
barbe de Cordoue, rejeton égaré des écuries des califes.
   L'origine d'AIgher est restée pour moi une question assez
obscure, les guides itinéraires, à l'usage du voyageur en Sar-
daigne, n'ont point encore été imprimés, el les itinéraires
sont bien savants. Cependant l'opinion générale veut qu'Al-
gher l'espagnole ait été fondée par une bande de pirates
catalans. Ces industriels, fatigués du métier laborieux d'é-
cumeurs de mer, et d'ailleurs suffisamment enrichis par des
opérations commerciales, périlleuses comme toutes les opé-
rations de ce genre, furent séduits par la beauté poétique et
tranquille du golfe d'AIgher, ils s'y établirent, y fondèrent
une ville, et d'assassins-voleurs devinrent d'honnêtes pro-
priétaires. Eh quoi ! jolis enfants, aux joues roses, aux cheveux
bouclés, quoi ! belles jeunesfilles,reines de beauté, qui portez
sur vos fronts gracieux un diadème de tresses noires, vos
pères étaient des voleurs ! el mieux que cela, peut-être !
Mais, non ! j'en atteste vos regards assurés, et vos cris in-
nocents, c'est une calomnie inventée par les marchands de
Sassari ; ils envient l'opulente el douce oisiveté que vous ont
fait vos ancêlres ; et puis, si le reproche était fondé, conso-
lez-vous, vos pères vous ont laissé la fortune, c'est le seul
héritage paternel qui ait aujourd'hui quelque valeur.
   Aux pieds des collines, contre lesquelles les eaux du golfe
viennent mourir en murmurant, la nature a creusé de vastes
cavernes, dont les blanches parois se reflètent dans le miroir
transparent des eaux prisonnières. Une mousse verdâtre tapisse
la roche étincelanle, el de la voûlefpendent, comme des
lustres d'albâtre , des stalactites gigantesques. Tandis que