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                 LETTRES SDR LA SAKDAIGNE.                   359

propos d'une histoire insignifiante, d'une fontaine ou d'un
brin d'herbe , remettent volontiers en question le génie de
Bossuet ou la gloire de Corneille.
   Donc, j'étais encore dans l'incertitude sur la direction que
je devais prendre, quand mon fidèle Achates, mon aimable
docteur, medéclara que je ne pouvais quitter la Sardaigne,
sans aller â Tempio, et sans visiter Àlgher, la ville espagnole
aux grottes d'azur. Et comme, le lendemain même, des mar-
chands partaient pour Tempio, je me joignis à leur caravane.
   Mais vous éprouvez peut-être une grande répugnance à
m'accompagner dans cette nouvelle excursion; et les jupes
écarlates, les corsages de brocart, les teints basanés, les
lauriers roses, les aloès étincelanls , les roches calcinées,
doivent irriter vos yeux éblouis, fatiguer votre attention,
vous ennuyer enfin; et moi donc! ! Mais prenez courage;
je vais m'acquitter de mes devoirs descriptifs le plus leste-
ment possible.
   De Sassari à Tempio, la roule est spacieuse, plane et
commode, sur le papier des ingénieurs. Mais, en réalité, il
n'y en a point encore. Le chemin, praliquable tout au
plus pour les chevaux sardes, est semé de roches, de brous-
sailles, d'accidents imprévus, de surprises charmantes, qui
rendent le voyage pénible, mais
        C'est mon avis qu'en route on s'expose à la pluie.

   Tantôt, ce sont des rochers escarpés et brûlants dont
il faut franchir les crêles ; tantôt, la caravane s'avance au
milieu des steppes solitaires, des salles infinies, où paissent
à l'abandon quelques maigres troupeaux. Parfois, le sentier
s'enfuit dans une forêt mystérieuse, où les chênes verls
entremêlent leur feuillage inextricable. Au loin, sous les
noirs ombrages, s'enfoncent des eaux dormantes et profondes ;
les roseaux de la rive font frissonner au vent leurs aigrettes