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346               LETTRES SUR LA SABDAIGNE.

 notre célèbre Deida, le peintre le plus habile de la Jeune-Ita-
 lie , c'est tout dire , et les Å“uvres d'un statuaire de Sassari,
 dont la gloire éclipsera peut-être un jour celle de Ganova.
    Telle était à peu près l'intéressante conversation de la table
 d'hôte de Yosleria délia Croce, où j'étais descendu depuis
 quelques heures. C'était, comme toujours , une succession de
paroles absurdes ou insignifiantes , comme il s'en débite en
toutes réunions, où les sots, en majorité , font le bonheur de
quelques gens d'esprit. Toujours ces mômes facéties renou-
velées à perpétuité, ces propos qui font bouillir le sang et
saisir avec empressement son chapeau; toujours ce môme sys-
tème d'éloges octroyés aux dépens d'une gloire rivale ou in-
contestable : effet ordinaire de la paresse de notre esprit, qui
adopte exclusivement un homme , ses idées et ses systèmes,
pour s'éviter la peine d'en étudier d'autres : injustice honteuse
que peut excuser à peine un ridicule patriotisme! Mais il fal-
lait manger à la table d'hôte de l'hôtel délia Croce : c'était
l'unique manière de vivre offerte aux étrangers, à Sassari ;
elle était, en outre , copieusement servie, et l'hôtesse qui en
faisait les honneurs , était une brune fort jolie, pleine de
grâces et de chatteries. Chaque soir, son mari la rossait sans
pitié : façon toute préventive, j'aime à le croire, de veiller sur
sa fidélité conjugale.
    Parmi les convives, se trouvait un jeune homme d'un es-
prit aimable et sérieux , avec lequel je fis connaissance ; c'était
un médecin. Il avait déjà la tournure doctorale; la sévérité
de ses principes, la gravité de sa position se lisaient jusque
dans le collet huileux de sa lévite,et dans les plis de sa cravate.
Gomme tous ses confrères, il aimait à parsemer la conversa-
tion de fleurs classiques: heureux, surtout, quand il pouvait
se servir de termes techniques et inusités. En sa qualité de
docteur , il se croyait les plus profondes connaissances en
matière artistique; mais, comme d'ordinaire, c'était une pré-