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282                DU DROIT DE PROPRIÉTÉ,

justice et de manière à ne pas entraver le développement de
ses semblables. Son droit est illimité et hors de l'atteinte de
 la société ; mais c'est à la société à en régler l'usage, la pos-
session, et à en prévenir les abus. Ce droit que chaque individu
exerce sur ses organes est tellement évident que beaucoup des
adversaires, même les plus acharnés du principe, l'ont reconnu
et l'ont excepté dans leurs attaques contre toute appropriation
d'une chose à un individu. « Le corps de l'homme, a dit l'un
d'eux, est une chose, une véritable propriété, relativement à
la force qu'il manifeste, et cette force ne pouvant supprimer
ni agir indépendamment de lui, supprimer la propriété serait
supprimer celle force. » Un tel aveu devient une arme puis-
sante contre le système qui l'a laissé échapper; car si l'on
considère attentivement sous ses différentes formes ce qu'on
appelle richesse, capital, c'est-à-dire tout ce qui est suscep-
tible d'appropriation individuelle, on découvre que ce n'est
là réellement qu'un organisme artificiel ajouté par l'industrie
de l'homme à ses organes naturels et suppléant à leur insuffi-
sance. II est à propos de se rappeler ici quel est le véritable
sens du mot richesse et par quels moyens elle s'acquiert. Toute
création de richesse est une conquête sur le monde phy-
sique, conquête que l'homme doit à son travail dont les pre-
miers instruments sont ses organes ; à mesure qu'il a senti le
besoin d'augmenter les produits de son travail, l'homme a
aussi reconnu la nécessité d'augmenter et de fortifier les ins-
truments de production. Or, les forces de son corps rencon-
trent des limites naturelles et assez bornées, il a dû s'adresser
aux forces même de la nature pour la vaincre en se les assi-
milant. Ainsi son bras était trop faible pour soulever des
blocs de pierre ; il s'est armé d'un second bras qu'on appelle
levier et qui a doublé ses forces ; ses yeux n'étaient pas assez
perçants pour observer les astres, il les a modifiés au moyen
de certains verres et la limite de sa vue a été indéfiniment