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274 LETTRES SUR LA SARDAIGNË. lanle faisait élinceler leurs flancs dorés et polis, veinés ça et là de rayures bleues ou amaranthe. À leurs pieds, des cactus, aux palettes énormes, tordaient leurs tronçons dif- formes, semblables à des boas monstrueux, et plus haut, accrochés au hasard, les aloës ouvraient leurs grands éven- tails de lames azurées. Dans le fond, une petite rivière rou- lait ses eaux profondes et endormies, du milieu desquelles les nénuphars élevaient leurs cloches d'or. Des libellules aux ailes d'émeraude voltigeaient au-dessus, tandis qu'une ci- gogne solitaire baignait plus loin ses ailes blanches. C'était la reproduction réelle d'une de ces toiles merveilleuses, chauffées d'une couleur transparente, pleines d'une profonde mélancolie, et dont Marylhat, hélas ! a sans doute emporté le secret dans sa tombe. C'est, auflancde ce ravin, à l'extrémité d'une muraille, qui, dressant au milieu des eaux une pyramide renversée, in- dique la place où s'élevait jadis un pont de pierre , qu'est percée la grotte de Bonorve. Quelques ouvertures arrondies donnent accès dans d'étroits corridors et conduisent à une salle spacieuse , voûtée en forme de coquille. Une lumière incertaine, qui se faufile à travers les crevasses du rocher, éclaire faiblement leS parois polies et le sol de la caverne. A quelle époque fut creusée celte grotte évidemment agrandie et façonnée par la main des hommes? dans quel but? que signifient ces caractères inconnus et altérés, qui s'effacent sur le rocher , au-dessus de l'entrée principale? Je l'ignore; mais, pour un antiquaire , quelle source d'études et de jouis- sances cachées sous ces rochers de feu ! Moi, je suis un bar- bare , et j'aurais rapporté de ces grottes de Bonorve un sou- venir assez maussade , sans la conversation spirituelle de mon compagnon , une rencontre inattendue , et un déjeûuer ex- cellent. La chaleur était devenue morne et étouffante ; de gros