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                 LETTRES SUR LA SARDA1GNE.                   267
 accouraient aux bords de la route, humant l'air avec inquié-
 tude, nous regardant avec de grands yeux effarés, el dispa-
 raissaient au galop à travers les touffes d'arbustes, qui se-
 couaient à l'air leurs grappes de fleurs jaunes comme des
 grelots d'or. Sur nos têtes, au sommet d'une montagne pelée,
 se dressaient les murailles calcinées et les rochers lépreux de
 Macomer.
    Macomer, suspendue sur une crête brûlante, d'où l'œil do-
 mine au loin les campagnes inférieures, est une ville misé-
 rable, aux rues biscornues, aux maisons caverneuses. Son ca-
 ractère sauvage et mystérieux pourrait la faire soupçonner
 d'être un repaire, où les pirates se réfugient, après avoir dé-
 vasté les contrées environnantes. L'aspect farouche de ses
 habitants, et surtout une aventure, dont je fus témoin, don-
 nent quelque valeur à mes soupçons,
    Sur une place de la ville, ombragée d'un platane gigan-
 tesque, s'agitait, empressée et curieuse, une foule compacte
 d'hommes, de femmes et d'enfants, Les hommes, ces grands
 hommes basanés et barbus du cap supérieur, causaient et ges-
 ticulaient avec véhémence, tandis que les femmes, au con-
 traire, parlaient bas, et soupiraient; quelques-unes même
essuyaient leurs yeux baignés de larmes ; les enfants criaient.
Je fendis la foule, el je parvins aux pieds du platane. Là,
 étendu , j'aperçus un ours, un bel ours gris des Alpes, et un
homme jeune encore. Ils étaient morts tous deux, el l'histoire
de leur fin tragique faisait l'objet de toutes les conversations.
Depuis quelques jours, un Savoyard était arrivé à Macomer,
conduisant un ours dressé, dont les gentillesses faisaient la
joie des spectateurs et la fortune de son maître. Mais, la veille
de mon arrivée, par l'effet d'une distraction, qu'expliquaient
des libations trop prolongées, l'ours trouva la porte de sa
cabane enlr'ouverte et se sauva dans la campagne. Un
troupeau de moulons, paissait sur son passage; la faim, l'occa-