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258              LETTRES SCR LA SARbAIGNE.
   « Vous trouverez peut-être, mon cher cavalier, que j'au-
rais dû tenter quelques efforts pour sauver et défendre ses
jours. Je vous avoue que cette pensée ne me vînt même pas.
Juancho était dans son droit. C'était au reste une affaire
toute personnelle entre lui et Anselmo ; il avait à venger
l'honneur de son nom; et l'usure est permise en vengeance.
Je courais donc du côté de San-Luri, quand une clarté sou-
daine illumina la campagne et dessina mon ombre devant
moi : je me retournai ; la cabane était en feu et les Romeri
étaient vengés.
   « Les chevau-légers partirent au galop à la poursuite de
Juancho, qui s'enfuyait vers les montagnes; et le fugitif allait
être atteint, lorsque la Providence voulut qu'il rencontra sur
son chemin une chapelle de refuge dans laquelle il entra. —
0 divine Providence ! murmurai-je entre mes dents. — Oui,
cher cavalier, Juancho l'assassin rencontra sur son chemin
une chapelle de refuge. Que la Providence s'arrange comme
elle voudra : c'est là le fait, Il y a quelques années encore,
en Sardaigne, ça et là disséminées dans les campagnes, s'é-
levaient de petites chapelles solitaires et toujours ouvertes,
dans lesquelles les coupables fugitifs trouvaient un asile in-
violable. Us pouvaient y rester renfermés jusqu'à ce que la
faim les obligeât à se livrer à la justice ; et souvent des amis
fidèles leur venaient apporter quelque nourriture dans ces
asiles, dont quelquefois ils ne pouvaient plus franchir le seuil,
sous peine de mort. Mais hélas, ces chapelles sont tombées
en ruines ; car aujourd'hui il n'y a plus rien de sacré pour
la justice, et les gendarmes viennent saisir les coupables jus-
qu'aux pieds de l'autel.
   « Deux jours après, Juancho était encore renfermé dans
l'asile sacré. Les chevau-légers, le fusil sur l'épaule, comp-
tant sur la faim pour leur livrer le prisonnier, rôdaient à
l'entour, quand, vers le soir, ils aperçurent, se dirigeant vers