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 108                  1)U SENTIMENT POÉTIQUE
  il s'apparaît à lui-même au milieu de cet immense tableau où .
  dans un mélange sans confusion , il peut contempler à la fois le
  monde qui est au-dessus de lui et le monde qui est à ses pieds.
     Quand l'homme doué du sens des harmonies découvre dans
  un phénomène de la nature l'expression vivante d'un des sen-
  timents de son cœur , quelque chose d'indéfini, de mystérieux .
  de divin s'offre aussitôt à lui ; il voit poindre, à travers le sym-
 bole de la forme, la lueur de l'idée qui est en Dieu ; alors le
 sentiment qui l'animait s'agrandit et s'épure, ce qu'il y avait
 dans son âme d'éphémère et d'individuel s'efface , l'infini le
  pénètre et lui communique sa vie plus abondamment.
     C'est pourquoi le poète s'empare des couleurs et des formes de
  la nature pour en revêtir sa pensée, et prête à la nature sa parole
 pour qu'elle nous fasse mieux comprendre tout ce qui s'agite en
 elle , toutes les révélations tendres ou sublimes qu'elle est char-
  gée de nous faire de la part de Dieu. Les sentiments humains
 que la poésie exprime en les revêtant d'images empruntées à la
 nature, en reçoivent cet aspect plus saisissant qui est le carac-
 tère de la réalité matérielle ; en même temps , ce qu'il y a d'inef-
 fable profondeur, ce qu'il y a delà vie divine dans la création se
 communique aux sentiments ainsi exprimés , et la pensée
 devient un verbe vivant qui élève les esprits à cet état de lumière
 et d'émotion supérieure, effet de la véritable poésie.
    Ainsi dans l'œuvre du poète, c'est tantôt l'âme qui s'exprime
 par l'organe mélodieux de la nature, tantôt c'est la nature qui
manifeste ses secrets dans le langage des sentiments humains ;
le poète entend s'échapper d'elle comme un écho de nos voix
intérieures et cette mélodie, toute en lui représentant ce qui se
 passe dans le cœur, lui révèle ce qui se passe en Dieu dont
 la nature et l'homme sont les manifestations.
    Le sentiment esthétique de la nature se nuance à l'infini selon
 les âmes qui l'éprouvent; on peut cependant réduire ces nuances
à un nombre déterminé en se fondant sur une méthode positive
de division.
    En considérant la nature sans sortir d'elle-même sans y chercher
les analogies du cœur humain, et sans tenir compte des choses divi-