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98                   VOYAGE EN 1CA1UE.

nellement un vêtement de plomb qui les écrase, qui les
force à mesurer péniblement leurs pas et qui fait craquer
(sibilar) leurs membres. C'est ainsi en Icarie] tous portent
sans cesse le manteau de plomb de la règle sociale qui pèse
également sur toutes les épaules et gêne tous les mouve-
ments. Traîne donc la chaîne ' et be# -boulet de l'égalité
communilaire celui que ce niveau ne, rabaissera pas ; mais
l'homme qui porte la tête haute, qui a un cœur, un esprit,
une valeur personnelle, une supériorité, le sentiment du
libre arbitre et de la fierté humaine, un élan, une flamme
dans la pensée, celui-là ne consentira jamais à bouillir dans
cette marmite autoclave. Non, — merci Dieu ! — cette
théorie n'est pas faite pour l'homme que nous connaissons,
et l'homme n'est pas fait pour la théorie : il y a répulsion
des deux parts. L'Icarie n'est point le pôle où tend l'hu-
manité.
   M. Gabet, s'il n'accepte pas toute celte vérité, a compris
au moins que l'homme civilisé n'était pas son fait, et il
l'abandonne. Il emporte son système au Texas, pays de
République naissante et de peuplades neuves. II a peut-être là
quelque chance de succès auprès des hommes de la peau rouge.
On leur a bien reproché, je crois, d'avoir jadis mangé, çà et
là, quelques colons du champ d'Asile ; mais ils auront perdu
le goût de la chair française, et puis les missionnaires dont
M. Gabet s'est fait précéder leur enseigneront la fraternité,
ce dogme large et fécond ! Qu'il parte donc ; la France
ne le retient pas ; qu'il aille dans les fertiles et salubres
plaines du Texas reprendre le sillon interrompu du général
Lallemant. C'est bien encore là un nom fatidique de triste
augure qui rappelle une tentative échouée ; mais les chances
sont diverses, le projet est autre et lcar est grand! Qu'il
mène son rêve fantastique au milieu des hautes herbes, des
forêts vierges, à l'ombre des magnolias et des lauriers roses