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94                   VOYAGE EN ICAR1E.

gracieuseté, il leur impose des entraves, et, par exemple, elles
ne doivent se parer que pour leur mari ; elles ne vont pas
au spectacle sans leur mari ; elles n'ont de coquetterie que
pour leur mari ; tant et si bien, qu'à mon point de vue de
vieux civilisé, il me semble que la désobéissance française est
préférable à l'égalité icarienne.
    Pour porter le dernier coup aux anciennes sociétés, et met-
tre une dernière fois en haut-relief la supériorité relative d'I-
carie, M. Cabet raconte qu'un jour tous les étrangers des
diverses nations du globe, qui se trouvaient à lcara depuis
assez longtemps pour apprécier le système sociétaire, se
réunirent et se posèrent solennellement à tous et à chacun
cette question :
    « Désirez-vous l'organisation d'Icarie pour votre pays ? »
    L'assemblée réunie par M. Cabet, se lève, bien entendu
pour le système de M. Cabet. Autant d'hommes, autant de
confesseurs de la foi communiste, venus du couchant et de
l'aurore, pour répandre la semence par toute la terre.
    Eugène, en sa qualité û'icarimane, battait des mains et
sautait de joie. « Si tous mes compatriotes connaissaient
Icarie, comme nous, s'écria-t-il hors de lui, et s'ils étaient
assemblés comme nous, la France entière, j'en suis sûr, ré-
pondrait comme nous qu'elle désire LA COMMUNAUTÉ. »
    Mais Eugène qui sait si bien ce qui se passe à lcara, me
paraît ignorer ce qui se passe à Paris. Hélas la question a été
posée a coups de fusils, et résolue à coups de fusils dans nos
rues I La France n'est point communiste ! La France re-
pousse énergiquement la doctrine, par l'Assemblée nationale
et souveraine, sortie du suffrage universel, par l'armée, par
 les gardes nationales, par la voix indignée de tous les dépar-
 tements, soulevés pour défendre l'antique ordre social. Voilà
le dernier mot de la France sur la question, et elle s'y
 tient.