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92 VOYAGE EN ICAWE. blent avoir peu d'attrait. Je vais même jusqu'à plaindre ces écrivains de si haut talent qui mettent leur gloire, — gloire modeste, — à raconter des faits et faire des analyses, modèles de laconisme et de limpidité. Un jour, un épicier enrichi voulut avoir une enseigne re- marquable. Il fit appeler un peintre de vrai talent. Monsieur, lui dit-il, vous avez toute latitude ; le champ est ouvert a voire imagination et à votre art si estimable; mais notez bien que je ne veux que ces mois : A la source des denrées colo- niales ! Après cela, de l'invention, du caprice, de l'esprit à foison, une pincée de génie.... et deux mètres trente centi- mètres de long sur quatre-vingt-cinq centimètres de large. — Telle est la liberté de la presse icarienne ! J'aurais maintenant à parler de l'Assemblée nationale, la véritable et seule souveraine du pays ; de son premier com- mis, le pouvoir exécutif, ou l'exécutoire, comme dit l'auteur ; de la justice, de l'éducation commune, du travail commun, des cérémonies publiques, des costumes, des mœurs, des usages, des plaisirs, de toutes choses enfin, et de mille autres choses encore, car que ne comprend pas Ylcarie, la plus vaste et la meilleure des républiques inconnues ! Que n'au- rais-je pas à dire aussi des traits que M. Cabet lance d'une main lourde contre les sociétés anciennes, et particulièrement contre la France, qui n'était pas républicaine la veille, et l'Angleterre, qui n'a pas voulu l'être le lendemain. C'est une catapulte à jet continu ; c'est un bélier qui bat sans trêve les antiques remparts de la civilisation européenne. Je ne saurais dire toutes ces choses en assez peu de mots, et je renvoie au livre. Mais tout en procédant à ses hautes œuvres, pendant qu'il renverse et construit, qu'il perd et ressuscite, le bon Icar s'exalte, se glorifie et se fait des triomphes, et se décerne des palmes immortelles, et se couronne de chêne, et se chante