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                       ACADÉMIE DE LYON.                        69

  nos jours la critique littéraire s'est transformée, combien son
   horizon s'est élargi, combien l'idéal poétique s'est élevé. Car
  notez bien que M. de Laprade ne rabaisse pas du tout Homère ;
  il le met bien plus haut â coup sûr que ces critiques mesquins
  des deux siècles derniers qui ne voyaient guère en lui qu'un
  habile arrangeur d'images ingénieuses. Mais tout en repla-
  çant celle grande figure sur un socle digne d'elle, il re-
  trouve par la tradition et par la philosophie la trace d'une
  poésie encore plus haute, parce qu'elle était moins humaine
  et plus divine. Qu'il nous permette de reproduire, en les
  affaiblissant, quelques-uns des développements de sa pensée,
  pour ôler à celte théorie ce qu'au premier abord elle a d'é-
  trange. Homère a joué dans la poésie le rôle que la Grèce en-
  tière a joué dans l'humanité. Il a transporté l'idéal, des dieux
  et de la nature, â l'homme ; il a oublié, relativement, les dieux
  et la nature, pour ne voir dans le monde que l'homme. Par là,
 comme la statuaire grecque, comme le stoïcisme, il a créé la
 plus noble représentation de l'homme où la pensée puisse
 atteindre ; il a créé le héros ; mais ne voyant que l'homme
 même dans la divinité, même dans la nature; les ramenant
l'une et l'autre aux proportions humaines, il n'a suffisam-
ment compris ni l'une ni l'autre. Andromaque, Hélène,
Achille, Hector, sont l'idéal éternel de l'humanité ; mais
 les infidélités conjugales de Jupiter, la jalousie de Junon, la
blessure de Vénus trahissent d'étranges idées sur le monde
divin, et d'un autre côté le trident de Neptune, les coursiers
d'Apollon, les Dryades, lesNapées, ne dénotent pas un sen-
timent bien profond, bien intime des suprêmes beautés de la
lumière, de la mer, des forêts. Parla, il est vrai de dire
qu'Homère a un caractère moins élevé, moins religieux que
celle poésie primitive dont l'histoire nous permet de retrouver
les traces en Grèce même, au temps de ces chantres qui sont
en même temps des demi-dieux, et que nous retrouvons sur-