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270                   LA REVUE LYONNAISE
   Le lecteur serait-il seul responsable de ces scélératesses? Ma
première réponse a toutefois atteint l'auteur d'une responsabilité
effective. La justice répressive s'est émue et a suivi son cours.
L'esprit de conservation personnelle dictera sans doute aux gou-
vernements soucieux de l'ordre public et de leur existence une
persistante vigilance et une énergique action.

   C'est assez ; en ne citant qu'un petit nombre d'écrivains d'une autre
époque et quelques-uns parmi les contemporains, j'ai voulu plutôt
généraliser et montrer les conséquences des mouvements littéraires
qui impressionnent sensiblement la société. L'expérience de chacun
peut combler les lacunes et compléter les preuves d'une vérité qu'un
plus grand nombre de citations n'accentuerait pas davantage. '
   Mais il n'est pas sans intérêt de faire remarquer que les écrivains
nouveaux venus, continuateurs de leurs prédécesseurs dans la vie
littéraire, quelquefois avec-le talent de moins, contribuent à im-
primer au mouvement littéraire un caractère particulier qui tend à
une transformation sociale avec plus de certitude que ne le fera
la doctrine du transformisme dans le monde animal. On se
demande toutefois de quelle espèce intellectuelle et morale sera le
produit de cette sélection.
   Ce qui reste bien démontré, c'est qu'écrivains en grand nombre,
et lecteurs, auteurs de livres et leurs victimes, en continuant
l'Å“uvre de leurs devanciers provoquent et recherchent les sensa-
tions plutôt que les sentiments et les croyances réelles. Ils agissent
en cela comme les indigènes des pays sauvages qui, parmi les pro-
duits de la civilisation importés par les voyageurs,choisissent de
préférence, les liqueurs fortes et en abusent.
   Mais il faut en venir à la solution.
   La question à résoudre étant posée, les faits constants, quelles
conséquences faut-il en déduire pour formuler un principe?
    Si tout ce que je viens de développer dans cette étude, quant à
la nature des productions littéraires, quant aux effets que peut
éprouver le lecteur, n'est qu'une vérité incontestable, la question
première se pose de nouveau ; n'y a-t-il que des lecteurs déjà
corrompus, sans croyances, ou criminels, à qui doivent être im-
puté leur corruption morale, leur incrédulité ou leur crime ?