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             DANS NOTRE BON P A T O I S LYONNAIS                  299




   Pas n'est besoin de faire partie de l'aime, inclyte et célèbre aca-
démie du Gourguillon pour connaître le mot ablager, id est sacca-
ger, abîmer, sauvager. Ablager est la forme de ville, sous l'in-
fluence d'oïl. Aujourd'hui la forme patoise est ablagî, mais s'il en
faut croire Gochard, qui écrivait son Vocabulaire voilà tantôt
quelque septante ans, on disait alors ablagia.
   Cet ablagia a persisté curieusement dans le seul participe passé
en de certaines communes, et, tandis qu'on dit à Mornant: « La
grêla a tôt ablagî », on dit encore à Craponne : « La grêla a tôt
ablagia. » Ce phénomène n'est pas que chez nous, et il a été si-
gnalé par M. Gilléron comme une loi régulière dans le patois du
bas Valais, qui ne fait qu'un avec le groupe lyonnais. Les verbes
qui sont en « chez nous, là-bas sont en yè, et Va latin, qui s'est
transformé à l'infinitif, reparaît, au participe, comme un débris ro-
main encore debout au sein des constructions de l'heure présente.
   Chez nous, beaucoup de verbes en ci, gî, etc. ont encore indiffé-
remment le participe en ci, gî, ou en cia, gia. A tonique, qui est
devenu o à l'infinitif, a en ergiquement résisté dans le participe, et
lorsque, suivant une tendance qui paraît constante, la forme en
î a pris le dessus sur la forme en ia, c'est pour le masculin seule-
ment, et cette dernière finale est devenue caractéristique du fémi-
nin. Le participe jusque-là indéclinable s'est assoupli en adjectif à
flexion : « in chapiau cabossa, ina cassi (poêle à frire) cabossm ;
cel'homo s'est revingî; cela fena s'est revingz'c. »
   J'ai cité ablager, ablagî ou ablagia parce que, venant du l a -
tin ablegare, il constitue une exception. Ablegare,         d'après la
règle énoncée plus haut, donne ablayi ou ableyî. Cette exception
mérite d'être expliquée.
   Dans ablagia il y a une première transformation lyonnaise,
c'est le passage de la gutturale dure à la douce. Les dialectes
d'oc ont ablatuga, ablasiga, avec g dur, comme en latin. Seule-
ment chez nous, g n'a pas passé à la troisième phase, c'est-à-dire
à y. La transformation s'est arrêtée à mi-chemin. Cela est encore
arrivé dans barragia, donné par Cochard, et qui a la même ori-
gine que barrayî, employé par nous dans un sens un peu différent.