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       DERNIERE AVENTURE


   Décidément la vertu n'est jamais récompensée !
   Cet aphorisme banal, émis je ne sais à quel propos, me ramena
du pays des rêves à la conversation que tenaient dans mon cabinet
trois ou quatre de mes amis étendus sur les divans ou perdus dans
la molle profondeur des bergères, et dont les silhouettes m'appa-
raissaient confuses à travers la fumée des cigares. Une histoire
que je tenais du héros en personne, et qui s'était en partie passée
sous mes yeux, me revint à la mémoire et, comme le secret ne
m'avait été nullement recommandé, l'envie me prit de la con
ter à ces précoces sceptiques à seule fin de les faire convenir que
le bien est, quelquefois du moins, amplement rémunéré sur cette
terre.
   Dans cette louable intention je demandai la parole qui me fut
aussitôt accordée.
   — Messieurs, dis-je, vous avez tous connu Guy de Lulleval ou
vous en avez entendu parler. Vous vous souvenez qu'il a été sans
conteste pendant plusieurs années une des personnalités les plus
en vue de la haute vie parisienne. Son luxe était proverbial, ses
attelages faisaient sensation au Bois, une femme n'était à la mode
que lorsqu'il avait daigné se montrer à côté d'elle dans une avant-
scène, il jouait un jeu d'enfer, et le gain, comme la perte, lui lais-
 sait une impassibilité de grand seigneur doublé d'un millionnaire.
 Ses fêtes défrayaient à elles seules, pour ainsi dire, la chronique
 des journaux mondains. Il y déployait le raffinement d'un sultan