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                        AUGUSTIN COCHIN                            531

déguisé, il a pris un autre nom, mais qu'importe? Au fond, il s'ap-
pelle le mal, le vice, l'erreur, toutes les convoitises et les passions
humaines, qui ne changent pas et qui dureront autant que l'homme,
mais qui ne parviendront pas à l'étouffer, parce que s'il tombe, il
peut se relever, et que, pour un être libre, la simple possibilité de
la défaite suppose nécessairement, par réciprocité, la chance de la
victoire. On a dit un jour de nous : Toutes les fois que le peuple
français fait un faux pas, il croit qu'il avance, et toutes les fois
qu'il tombe, il croit qu'il arrive. Sous cette satire, souvent méritée,
se cache un fond de vérité qui peut s'appliquer à toutes les races,
mais qui ne saurait en décourager aucune, sielles'savent se relever.
Or, de toutes les doctrines philosophiques ou religieuses qui se
sont disputé l'humanité et qui l'aient émue, une seule a mis
l'homme au-dessus de lui-même, en lui enseignant le relèvement
par l'expiation et par le repentir, une seule a fait du pardon ou de
la rédemption un dogme, c'est le Christianisme. « Le chrétien qui
croit à la chute est aussi le victorieux, le courageux qui se dit : Ce
monde est tombé, mais il n'est pas perdu. Il peut être renouvelé,
soumis au bien, converti. Je travaillerai, je me dévouerai. Innocent,
je souffrirai pour le coupable. Heureux, je tendrai la main aux
malheureux. Die Veredlung           des Volkes ist kein Traum. »
L'Eglise tient ainsi les trésors moraux de la famille des hommes :
elle a fait de la souffrance, non seulement un mérite, de l'humilia-
tion non seulement une grandeur, mais le gage de sa propre
immortalité et le gage de ses destinées éternelles; elle n'a pas nié
la douleur, comme un philosophe orgueilleux de l'antiquité, elle l'a
ennoblie ou plutôt détruite : la souffrance qu'on aime n'est plus une
souffrance.

   Le néo-paganisme de nos jours aura donc beau faire, il ne ren-
versera point le Christianisme. S'il prêche simplement le culte de
la matière, nous savons déjà comment la matière a été vaincue par
l'esprit ; s'il essaie de devenir scientifique, il viendra se heurter à
une doctrine. A laquelle? La religion du Christ a seule une doc-
trine ; seule elle possède l'autorité qui commande et la charité qui
persuade; seule, elle a connu, compris, annoncé la vocation sur-
naturelle de l'homme ; seule, elle l'a tiré de ses propres abaissements
et relevé par le pardon. « L'Évangile demeurera la source et 1ère-