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                        AUGUSTIN COCHIN                             525

sectateur des vieilles mœurs, de la vieille politesse et de l'urbanité
proverbiale de l'ancienne France, qu'il ne croyait pas incompatibles
avec l'esprit moderne, un homme du monde enfin, et du meilleur
monde, dont les regards étonnés voient à la délicatesse et à l'élé-
gance raffinée de ses ancêtres., se substituer la grossière sensualité
des générations actuelles; à la gaieté pure de sa jeunesse, la t r i s -
tesse soucieuse de notre âge mûr ; aux salons d'autrefois, nos ca-
barets ; aux spirituels délassements d'une société d'élite, les brutales
indécences ou les trivialités ordurières de lettrés qui se disent na-
turalistes, comme si la fange existait seule dans la nature.
   Eh bien! quoiqu'il ait vu tout cela, quoique tous ses espoirs aient
été trompés et que presque tous ses combats aient été des désillu-
sions, sinon des défaites, cette âme vaillante ne s'est point décou-
ragée, ses j e u x ne se sont point volontairement voilés, et, par delà
les terribles épreuves de l'heure présente, il a voulu distinguer, il
a clairement entrevu les triomphes de l'avenir. Il avait un tel
besoin de croire, il était, comme on l'a spirituellement dit, si bien
le contraire d'un incrédule, qu'il crat un moment, — c'était peu
après 1870 — au génie sauveur d'un homme dont on nous par-
donnera de ne point parler, parce que nous ne voulons pas même
effleurer la politique, et qui le subjugua peut-être — disons-le à
son excuse — moins parce qu'il avait une intelligence supérieure,
que parce qu'il sortait, comme lui, des classes moyennes. Le plus
madré des bourgeois séduisit le plus candide des honnêtes gens :
c'est une conquête facile que l'on aurait tort d'inscrire en grosse
lettres à son actif, car Augustin Gochin ne jugeait guère les autres
que d'après lui-même, et avait coutume de leur prêter libérale-
ment toutes les qualités dont il était pourvu. La générosité du
cœur lui était naturelle, comme celle delà main.
   « Je suis, répète-t-il quelque part, du parti de l'espérance. Cette
espérance n'est pas une illusion ou un aveuglement volontaire. »
Pour juger le monde, il a fait comme les sages, il l'a regardé de
loin après l'avoir connu de près. Si la seconde moitié de l'histoire
du dix-neuvième siècle lui apparaît, non sans raison, comme un
chapitre de l'histoire des naufrages, si, de la retraite où il écrit ses
méditations, il n'entend que des cris de blessés et de vaincus, et
peut demander à toutes les écoles, à toutes les doctrines, comme Ã