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134                  LA REVUE LYONNAISE
leurs surtout ; on nous dirait un peuple de gagneurs d'argent. Le
vent de la cupidité traverse toutes les âmes, le pauvre comme le
millionnaire depuis l'ignorant jusqu'au lettré.
    Mais, serais-je un moraliste exagéré ou l'amplificateur d'un sujet
prêtant trop à la digression?
    Il m'a paru qu'avant de conclure sur la question de responsabi-
lité nous arriverions plus logiquement à la vérité par l'étude
des faits, des conséquences se rapportant à l'état intellectuel, mo-
ral, social comtemporain, en procédant de l'effet à la cause.
     Or, dans cet ordre d'idées, les faits, les témoignages cités étaient
nécessaires. Mais il est un écrivain dont l'autorité n'est pas à dé-
 daigner, quelles que soient les conclusions qu'elle peut motiver. La
parole de l'un des apôtres de l'ère littéraire et même sociale nou-
velle, d'un chef de la nouvelle école vient à mon aide pour prouver
l'état de choses que je signalais, la tendance de la transformation
de la société présagée par la transformation littéraire et scienti-
fique comme politique. Il s'agit de l'auteur des romans qualifiés
naturalistes, l'Assomoir, laCurée, Nana, Pot-Bouille, etc., tous
arrivés à un nombre d'éditions sans exemple : Emile Zola. Dans un
journal fort répandu, ce favori des lecteurs avides de sensations^
un peu brutales a fait une profession de foi littéraire par laquelle
il annonce l'avènement de la démocratie qui doit renouveler notre
 politique, nos mœurs, nos idées, notre littérature.
     « Dans les lettres, dit l'auteur, l'évolution démocratique s'ac-
 complit avec autant de puissance que dans la politique. Après
 l'insurrection romantique qui a déblayé le terrain, le mouvement
 naturaliste est venu pour y asseoir l'ordre nouveau. Toute société
 apporte sa littérature, et voici longtemps que les critiques sagaces
 annoncent la transformation de l'esprit littéraire. Le nouvel ordre
 s'établira sur les vérités naturelles. Eh bien, ajoute-t-il, en litté-
 rature comme en politique, je crois qu'il faut être sans peur de-
 vant les temps nouveaux. Une littérature ne meurt qu'avec une
 langue. Demain apportera son œuvre, et, je l'espère, d'autant plus
 large, que la trouée paraît s'agrandir davantage sur le vingtième
  siècle. »
     « Sans doute,notre époque littéraire est singulièrement troublées;
  depuis l'écroulement du temple classique, nous avons vécu dans