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AU COMMENCEMENT DU XVIIIe SIECLE 403 Homère contre les modernes, mais avec des nuances. L'un et l'autre, bien que sachant le grec suffisamment, se trouvent désarmés devant les sophismes de Perrault. M. de Saint-Fonds, le plus instruit des deux, confesse ingénument qu' « au fond, il est impossible de répondre aux raisons que M. Terrasson et les autres disent contre ce poète. » Il sent, en tous cas, et ceci est fin et mérite d'être loué, que « les défenseurs d'Homère gâtent plus sa cause qu'ils ne la défendent ». Ce qui leur échappe à tous deux, c'est l'importance réelle du débat. La querelle d'Homère n'est autre que celle du xvm e siècle naissant, contre l'école classique de 1660, et ses chefs : Boileau, Racine, Molière, Lafontaine, Bossuet. C'est un épisode de la lutte contre toute tradition. On veut autre chose, sans être capable de le définir, mais on sent bien qu'Homère ébranlé et ren- versé, c'est l'édifice littéraire du xvn e siècle qui craque et s'effondre tout entier. On sent encore que cette grande ruine ouvre une large brèche par où passeront des nou- veautés autrement dangereuses. Car, ne nous y trompons pas, il y a, quoi qu'on en puisse dire, un étroit rapport entre les théories littéraires et les doctrines morales, reli- gieuses et politiques d'un pays. Ce sont ces dernières qui, à y regarder d'un peu près, par l'idée, déterminent la forme, comme l'âme le corps. Mais à Lyon, dans le cercle de l'Académie naissante, et dont nos deux héros sont les membres presque dès la fon- dation, personne, il le semble, ne voit le vrai point du débat. On en reste aux arguments de Boileau qui, par Brossette, y règne sans conteste. Dans le domaine religieux, leur critique est plus avisée et plus pénétrante, surtout celle de M. de Saint-Fonds. Il a eu l'avantage de passer près de sept années, de 1698 à 1705,