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CHRONIQIJE D'OCTOBRE I9OO 387 « il fut plus qu'un poète, il fut notre poète. Grâce à lui, « pour la première fois, l'âme de nos provinces, dans ce « qu'elle a de plus pittoresque et de plus vivant, s'est « manifestée de façon vraiment littéraire. Grâce à lui,la poésie « latente dans nos vieilles coutumes, dans nos montagnes « et dans nos bois, ou déjà confusément rendue dans nos « légendes et dans nos chansons, a trouvé une expression « digne d'elle et digne de l'Art. » Le voilà donc pour jamais endormi, cet exquis poète qui depuis longtemps, hélas! se sentait survivre à lui-même, conscient de sa déchéance physique, et qui, dans son der- nier livre, adressait ce poignant Adieu résigné à la jeunesse, aux sourires, à la vie : . . . Et vous, formes sans nombre où j'ai noyé mon être, Adieu ! vous par qui j'ai vécu, souffert aussi Tourbillonne^ sans moi dans la forêt du Maître! J'emporte votre image, et je vous dis : Merci ! Les fervents du livre apprendront, avec regret, que les « Emaux Bressans » sont aujourd'hui épuisés et introu- vables. En même temps, nous arrivait de la Savoie une nou- velle triste : on allait mettre en vente Les Charmettes, ce cottage où fut vécu, douloureux et triste, le roman de Jean-Jacques-Rousseau avec Mme de Warens. Verra-t-on se dissiper sous le marteau d'ivoire, ces meubles, ces livres, peut-être même aussi cette lettre mélancolique, cachée dans une vitrine, lettre d'une tendresse si émouvante, que Mme de Warens écrivait à Jean-Jacques, le lendemain de la trahison du vilain rustre qui fut son amant? Hélas! Il tient à nous par plus d'un point, l'auteur des Confessions, qui séjourna si souvent à Lyon, dont il traça du reste des esquis-