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334 MOLIÈRE A LYON avait concédé aux négociants des Treize-Cantons certaines exemptions de droits de douane pour leurs marchandises. On devait les plaisanter sur leur langage, souvent empreint d'un fort accent allemand. Molière n'a pas manqué de relever le fait et d'en tirer un épisode qui devait faire la joie de son auditoire. Il y a bien encore le nom de Fleurant, invariablement cité par tous les commentateurs, qu'il nous aurait emprunté pour le donner à un personnage du Malade imaginaire. Mais si grand regret que j'éprouve à m'attaquer à une légende accréditée, j'estime que l'anecdote de l'apothicaire Fleurant, telle qu'elle est racontée, ne tient pas devant un examen des documents et des dates. Tout d'abord, on ne connaît pas de maître apothicaire de ce nom, avant Claude Fleurant ou Flurant, dont la réception au titre d'aspirant est signée par Christophle de Jussieu, en 1689, e t dont l'admission à la maîtrise est pro- noncée le 9 août 1690. Cette même année est sans doute celle de son mariage : car il fait baptiser à Sainte-Croix, le 27 juillet 1691, une fille, Jeanne-Marie. La boutique de Flurant se trouvait place du Gouverne- ment, ce qui explique le baptême à Sainte-Croix. Ce n'est qu'après 1745 qu'une officine est indiquée, sous ce nom, rue Saint-Dominique, où elle se maintient sous le même titre jusqu'en 1777.11 est à présumer qu'il y eut succession de père à fils, tous de même nom et prénom. Si l'on admet que Claude Flurant, premier du nom, était âgé, au moment de sa réception, d'une trentaine d'années, il n'était pas encore né lors du dernier passage connu de Molière à Lyon. En outre, le Malade imaginaire a été écrit soixante ans avant qu'il y eût dans la rue Saint-Dominique un pharmacien du nom de Flurant.