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                         CHRONIQUE LOCALE                            497
Rubens ; et cependant, l'étude de ces maîtres serait une nécessité
dans une ville où la peinture a été une de nos richesses et de nos
gloires.
   Les cartons de M- Chenavard seraient une preuve que le xvie siècle
n'a pas eu seul le privilège de la grande peinture. De nos jours même,
avec de l'étude et du courage, on peut s'élever au-dessus du tableau
de chevalet. Sicard et Chatigny en sont la preuve ; l'un ardent, fou-
gueux, peut atteindre les plus hauts sommets de l'art et s'il s'amuse à
faire des Retour du marché c'est que sa merveilleuse palette sait se
jouer des difficultés et qu'elle cherche à plaire au bourgeois faute d'un
Mécène. L'autre d'une nature plus douce, plus racinienne, a fait les
Illustrations lyonnaises, et il n'attend qu'un encouragement pour
 recommencer. La vue de la grande peinture élèverait les esprits, et
 Florence n'était pas plus grande ville que Lyon quand elle produisait
 ses inimitables chefs d'Å“uvre.
    Mais comme l'autorité favorisait le génie ! comme les grands sei-
 gneurs et les ceuvents comprenaient les arts ! quels modèles on
 avait sous les yeux ! quelles luttes ! quelles rivalités entre les maî-
 tres et les écoles ! On nous a trop habitués aux mièvreries et au fini
 de l'école hollandaise, et la pensée n'est plus rien pour qui sait faire
 un pâté froid ou un chaudron. La vue continuelle des cartons de
 Chenavard nous arracherait à cette atonie et nous ramènerait aux
 beaux jours. Nos peintres de fleurs, qui connaissent si peu de rivaux
 en Europe, retrouveraient un nouvel élan ; nos paysagistes passe-
 raient du style de Millet, Jacques ou Chamieau, à celui du Lorrain
 ou d'Epinat ; nos peintres de genre ou d'intérieur imiteraient plus
 IJeissonier que Courbet et finiraient peut-être par se dégoûter des scè-
 nes de brasserie, de bouges et de cabarets dont quelques uns ne peu-
 vent pas sortir aujourd'hui.
    Cette élégance, cette dignité du pinceau réagiraient sur les produits
de notre fabrique, et noire industrie de goût, si menacée, n'aurait rien
à craindre de ses rivaux.
    Conclusion, car il faut conclure, un peu moins d'argent pour les
 décors de l'Opéra, un peu plus pour nos musées, nos bibliothèques et
 nos archives ; un peu moins pour les plaisirs plastiques ; un peu plus
 pour les jouissances de l'intelligence et de l'esprit; les uns poussent
 à la désagrégation de la socié;é, les autres à l'organisation, à la puis-
 sance et à la vie de la nation.
    A propos de peinture, nous ne pouvons guère parler de la gravure,
 art si difficile, si coûteux et si oublié malgré sa beauté ; mais nous
 ne pouvons nous dispenser de dire un mot de la photographie qui,
 s'est fait une si grande place au soleil.
    Notre ville est, de ce côté, l'égale des plus favorisées.
    M. Armbruster a créé une photographie artistique comprenant plus
 de deux cents portraits de Lyonnais célèbres ; c'est un musée précieux
 que nos finances ne n us ont pas encore permis d'acquérir pour nos
 collections. Et cependant, quelle histoire peut s"écrire sans la vue des
hommes dont on décrit les faits ? En ce moment, un romancier pari-
sien nous demande si nous avons les portraits des hommes qui ont
joué un rôle à Lyon, en 1831 et 1834? Nous répondons tristement
 que nous ne les avons pas. Comprendrait-on l'histoire contempo-
 raine, si on ne voyait pas les traits des Lamartine, des ïhiers et
 des Guizot !•*