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 384                        BIBLIOGRAPHIE

amis des Lettres, aux adeptes de la décentralisation littéraire, cette
histoire dont le charme se trouve surtout dans la chaude couleur des
descriptions.
   Sanceta (Françoise) est la fille de riches paysans ; son père vise pour
elle un mariage qui lui permette d'arrondir encore son domaine.
   Un jour, toute enfant, sur ses quinze ans, Sanceta, péchant des
écrevisses, se laissa choir au fond d'un clair ruisseau. Un jeune gars qui,
non loin de là, menait ses bœufs aux champs, accourt aux cris d'une
compagne, se précipite dans la rivière et ramène sur le rivage, évanouie,
pâle et ruisselante la baigneuse improvisée. Sous la chaleur de son
étreinte, la fillette se ranime et son premier regard, tendrement recon-
naissant, se repose sur son sauveur. Celui-ci, ému par ces yeux qui s'ou-
vrent à la vie, ravi par les appas pleins de promesses que laisse entrevoir
le corsage dégrafé, reste à genoux dans une muette extase.. .
    Hélas, ce fut là, l'origine des malheurs des deux pauvres'amoureux !
    Lui, Clément, était un enfant trouvé, vaillant travailleur, simple
 bouvier aux gages d'un fermier du voisinage. Mais il était honnête et
fier ; de longtemps il n'osa laisser entrevoir son amour. Elle, Sanceta,
fit les premiers pas, et ce fut une touchante et pure idylle que ces
accordailles.
   Quand enfin Clément crut devoir adresser sa demande au père de
celle qui s'était ainsi promise, il fut repoussé avec colère et mépris.
Sanceta s'inclina sous la dure volonté paternelle ; mais peu à peu sa
santé s'altéra, elle perdit ses couleurs, s'alita et mourut dans la pleine
floraison de ses vingt ans, sans que le père se laissât toucher par la
triste agonie de son enfant.
   Clément, qui avait quitté le pays, revint un jour au village, juste pour
voir passer le convoi funèbre de son amie. Le saisissement, la surprise
et la douleur le rendirent fou ; il termina prématurément ses jours à
l'hospice St-Georges, de Bourg.
   Si l'auteur a trouvé dans une légende le canevas de son roman, il lui
fallait aussi une imagination d'artiste pour éclairer ces paysages, faire
vivre ces personnages et couvrir de brillantes couleurs une palette
encore novice. Mais il eut, il faut le dire, le rare bonheur d'avoir
auprès de lui une inspiratrice dont le clair et lumineux regard, dont
l'âme éprise du beau et de l'idéal étaient, bien plus que la légende de
Sanceta, le souffle créateur vivifiant le cœur et l'esprit de l'écrivain.
                                                     Léon GALLE.