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                            BIBLIOGRAPHIE                            303
les villes de Genève, Lausanne, Vevey, Montreux, Thonon, Evian,
Annemasse se devinant dans le lointain, toutes petites aussi, semblables
à des jouets, à ces maisonnettes où les enfants abritent des poupées de
deux doigts.
  « Au bas de la montagne, les plaines du Chablais et du Genevois
s'étalent, quadrillées de vert, de jaune et de pourpre,— verdure des prés,
jauneur des moissons non coupées encore, rougeur des trèfles sur lesquels
le vent léger fait courir des ondes. Au pied même du Grand Signal, un
train laisse derrière lui une mince ligne de vapeur blanche, et l'œil peut
suivre longtemps, longtemps les méandres de la voie ferrée du val de
Bellegarde à Thonon qui, sur la droite, enfonce dans le lac l'éperon
aigu de son promontoire. Du côté opposé au Léman, sous le jour
éclatant, la vallée profonde de Boëge étend devant l'hôtel son étroit
plateau. Du village, des fumées bleues, pareilles à de frêles nuées,
s'élèvent en minces festons dans l'air. Au-dessus de Boëge se super-
posent plusieurs vallées. Elles sont, ces vallées, facilement reconnais-
sablés aux brumes violacées qui disent la place de leurs bourgs et de
leurs eaux vives. Paysage superbe, barré, tout au fond, par la muraille
gigantesque de la chaîne du Mont Blanc, qui s'enlève sur le ciel avec
une netteté que l'atmosphère cristalline accentue encore.
  « La barrière grandiose découpe ses dentelles sur un azur profond. La
Dent du Midi détache, vers la gauche, ses sept pointes aiguës. Ça et là,
des rochers bleuis par l'éloignement, sont sillonnés de fines traînées
de neige. Plus près, des montagnettes sont noires des verdures de leurs
forêts. Deux ou trois flocons de vapeur s'éveillent, attardés, dans le lit
d'une combe, font une lente ascension sur les neiges, montent, mon-
tent et se dissolvent très haut dans le ciel. »
  Après cette agréable course sur les Chemins de la vie, nous restons
sur une impression de tranquillité douce. Nous avons oublié, en suivant
M. de Bouchaud, toutes        les vilenies d'une littérature pourrie, les
agissements inquiétants de la faction socialiste, les honteuses compro-
missions de la politique européenne, toutes choses qui ne laissent que
tristesse et dégoût.
  Nous avons revécu d'heureux instants dans le culte du beau, dans
l'amour des bonnes lettres ; de même que nous nous sommes retrempés
en de calmes retraites, loin des bruits importuns, sous le clair et vivi-
fiant soleil des sommets.
                                                         Léon GALI.E.