page suivante »
SOUS LE PREMIER EMPIRE 23 I Au surplus, nous avons plusieurs témoignages de la valeur et de la bonté de cette femme remarquable à tant de titres. — On a beaucoup vanté sa beauté; on n'a pas assez parlé de sa bonté qui fut pourtant le vrai secret de l'influence toute puissante qu'elle a constamment exercée autour d'elle et qu'une de ses amies, Mme de Boigne, lui révèle en ces termes (9) : « Je vous l'ai dit cent fois et je l'ai pensé mille, ce qui vous rend si séduisante c'est votre bonté; peut-être suis-je la seule qui ait osé vous le dire ; il paraît si bizarre de louer la bonté de la plus jolie femme de l'Europe ! Hé bien ! je suis persuadée que si l'on pouvait définir l'influence que vous exercez, cette même bonté a plus de puissance que tous les autres avantages, plus brillants sans doute, mais auxquels elle ajoute tant de force. Ainsi, Madame, c'est parce que vous êtes bonne que vous avez fait tourner tant de têtes et désespérer tant de malheureux; ils ne s'en doutent pas, mais c'est pourtant vrai. » Elle était bonne sans distinction de personnes : Un jour dans la cour de l'Hôtel de l'Europe, elle aperçoit une enfant au visage doux et gracieux, mais empreint d'une expression d'arrière tristesse, à qui l'on faisait exécuter des tours d'adresse pour récolter quelques sous. Cette vue l'afflige et l'émeut ; elle s'approche de cette infortunée, lui parle en lui témoignant de l'intérêt, apprend qu'elle est d'origine anglaise, qu'elle est tombée par hasard entre les mains de saltimbanques qui exploitent sa jeunesse et l'appellent Marianne. Aussitôt elle la prend sous sa protection, par- (9) Ibid., p. 112. Cette lettre est du 9 janvier 1812; M" e Récamier était alors à Châlons.