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             UNE   PAGE   DE   LA   VIE
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mes forces en touchant et manipulant cette terre qui fait mon
bonheur. — M. Artaud est sorti de son enveloppe aussi
frais que je l'ai quitté. Mais je n'ai pu avoir qu'un très
court tête-à-tête avec l'original qui m'est échappé pour aller
passer trois jours au château de Saint-Cyr, où j'espère qu'il
aura quelque aventure qu'il me contera à la première séance.
   « A propos d'aventures de chevaliers errants, vous savez
que le voyageur Ballanche est arrivé depuis quelques jours
au grand contentement de tous ceux qui craignaient qu'il
ne s'égarât. — Il est venu me voir le lendemain de son
arrivée, pour me donner des nouvelles de Mme Récamier.
— Il a fait sa visite avec presque de la grâce, il a causé
fort agréablement et sa figure ne m'a pas paru si laide ; il
semblait qu'un reflet de toutes les belles choses qu'il a vues
à Rome faisait encore effet sur sa personne. — Oh puis-
sance de la beauté ! son costume était propre et soigné,
ses bottes étaient bien cirées et heureusement ne sentaient
rien, car sûrement il ne les aurait pas quittées pour moi.
   « Mais je laisse en repos ce galant voyageur, puisqu'il
est de retour ; et je reviens à vous qui êtes absent. — Quand
comptez-vous revenir ? — Si vous ne revenez pas bientôt,
je veux avoir encore de vos nouvelles; je veux que vous me
disiez si le mieux de votre santé se soutient, et si le pays
que vous parcourez vous paraît toujours aussi beau.
J'apprendrai tout cela avec plaisir, parce qu'en pensant
que vous êtes heureux, je serai un peu dédommagée de
votre absence. — C'est bien généreux à moi d'oublier
quelquefois ma propre satisfaction, pour ne m'occuper que
de la vôtre. Mais c'est à condition pourtant que vous
penserez au moins une fois par jour à moi. Si je suis trop
exigeante, n'en accusez que la véritable amitié que je vous
ai vouée pour toujours. »