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SOUS LE PREMIER EMPIRE 119 se dévouant pour ses amis, où l'on prise tout ce qui est beau, tout ce qui est de l'esprit ou du cœur, société où chacun apporte ce qu'il a de meilleur en soi-même, cher- chant ainsi à s'élever à la hauteur des autres tout en les faisant monter eux-mêmes jusqu'à la sienne sans s'en aper- cevoir ; ce qui explique l'influence heureuse de ces salons d'élite à leur époque. Sans quitter Lyon, introduisons-nous dans ce monde où l'on cause ; nous y glanerons quelques bribes de conver- sations, quelques bouts de billets écrits à la hâte ; pendant un instant nous entendrons parler une langue qui s'en va. Ecoutons l'un des initiés : « Je m'étais trouvé avec Mme de Staël chez M. d'Herbou- ville, nous dit-il (8). J'eus avec elle une discussion assez vive, parce qu'elle prétendait que les hommes de génie étaient très rares dans notre siècle. — Je lui répondis qu'elle devait en accuser son sexe, parce que, les femmes ayant l'esprit mieux cultivé que dans les siècles passés, les hommes, pour leur plaire, perdaient, à acquérir le ton et les agréments nécessaires dans leur société, un temps qu'ils employaient autrefois à des études sérieuses. « Je citai à l'appui de mon opinion, les femmes qui jadis attiraient les hommages, telles que la Joconde, la For- narine, la belle Ferronnière, Anne de Pisseleu, et plusieurs autres, dont le rang n'exigeait pas de grands frais d'esprit et de belles manières. — Tandis qu'aujourd'hui les hommes passent leur jeunesse à acquérir le jargon et les usages du grand monde dans lequel ils ont la prétention de briller, (8) Souvenirs manuscrits de Fhury Richard, peintre lyonnais, p. 99.